Terre Humaine

03 septembre 2006

TH SEPTEMBRE 2006 : PARTAGE


PARTAGE
De l’aéroport de Roissy une religieuse africaine me téléphonait, avant de repartir dans son pays, et me glissait dans la conversation : « Les français méprisent les Noirs. »

Monsieur Stéphane Hessel, ambassadeur de France, analysant les situations de Saint-Bernard (août 1996, 6 heures du matin, 1500 gendarmes mobiles et CRS évacuaient de force 300 sans-papiers qui occupaient l’église Saint-Bernard à Paris pour réclamer leur régularisation) et de Cachan (17 août 2006, 6 heures du matin : les forces de l’ordre évacuaient manu militari 508 personnes d’une ancienne résidence universitaire à Cachan, considérée comme le plus grand squat de France) retrouve dans les deux cas « le même mépris du gouvernement face aux immigrés. »

Monsieur Youssouf Toumkara, ancien de Saint-Bernard regrette : « On a fait une terrible erreur en 1996. Nous avions pensé que la lutte des sans-papiers se gagnerait avec des arguments humanitaires » tels que la scolarisation des enfants, les soins médicaux… « La lutte n’est pas humanitaire mais politique. Nous aurions dû dénoncer davantage l’arbitraire et le mépris que connaissent les travailleurs immigrés. »


Dans le douloureux feuilleton des familles de sans-papiers, Monsieur Nicolas Sarkozy fait de la petite politique avec la vie de gens travaillant dur pour s’insérer en France, victimes plus que coupables de leur situation. Sous la pression, il doit régulariser des familles dont les enfants sont scolarisés ? Alors il équilibre la concession et fait évacuer un squat à Cachan. Ceux-là sont des pions dans une stratégie médiatique ? Tant pis pour eux…

Il faut régulariser tous les sans-papiers en leur accordant un titre de séjour de dix ans. L’Italie a régularisé 700.000 étrangers en 2003 et l’Espagne 600.000 en 2005. La France, patrie des Droits de l’Homme ne peut-elle pas accueillir dignement les 30.000 familles de sans papiers dont les enfants sont scolarisés ?
Nous vivons dans une Europe riche, très riche ; rien n’arrêtera l’océan des miséreux, ni mur, ni charter, ni loi… La planète est devenue, depuis longtemps, un village ; il est temps de commencer à partager la richesse entre tous les villageois.

Charles Trompette

Afghanistan : l’école interdite aux filles

Bien que ses élèves soient en vacances d’été, Nazirullah, le principal de la section des filles de l’école primaire de Mashakrel, est revenu dans sa classe pour consigner les résultats des examens de fin d’année. Accroupi à même le sol au milieu des papiers brûlés et des murs noircis, il s’applique à reporter les notes. Il y a deux mois, des hommes masqués sympathisant des talibans ont mis le feu à cette école qui accueille 760 enfants, des garçons le matin, des filles l’après-midi. Ils ont brisé les vitres, arraché les portes et les tableaux noirs puis mis le feu aux bâtiments. Sur le sol, on a retrouvé des tracts de mise en garde : les talibans pyromanes promettaient de défigurer les professeurs qui continueraient à faire la classe aux filles.
Cette école fait partie des trois cents qui, dans les six derniers mois, ont été attaquées par les talibans. Car même s’ils ont été chassés du pouvoir à Kaboul, les intégristes sont manifestement restés fidèles à leurs obsessions, parmi lesquelles l’interdiction de l’éducation des filles.
Dans un village de la province de Ghazni, l’instituteur est déjà allé négocier avec les talibans. Pour garantir la sécurité de son école, il s’est engagé à ne pas y accueillir de filles…
Sara Daniel

La rue et l’indifférence tuent…


On les appelle pauvres, laissés-pour-compte, indigents, miséreux. Mais qui sont-ils ? De quoi vivent-ils ? Depuis bien avant la Révolution française jusqu’à nos jours, ils sont là. Du paupérisme à l’insécurité sociale, leurs existences restent privées d’une vie digne. Pour quelles raisons ? Absence de travail, salaire trop faible, discrimination, aléas de la vie. Ils souffrent dans leur corps d’une existence dure et précaire. « Vagabond », « tiers état », « prolétaire », « chômeur », l’individu pauvre connaît ces différentes conditions. Face à elles la société apparaît hésitante entre charité et répression, assistance et culpabilisation. L’histoire des gens de peu devient aussi celle des grandes révoltes populaires, des acquis (relatifs) et des progrès (modestes). Mais demeurent toujours l’indifférence, la gêne, quand ce n’est pas la peur, et l’égoïsme collectif. Engrenage de la déshumanisation qui s’achève par la mort des sans domicile fixe sur un trottoir, à l’hôpital, dans un squat, dans un foyer d’hébergement… Sans parler de ceux qui succombent à une mort violente : crise d’épilepsie, écrasé par une voiture, suicide, assassinat. Ou, à, l’inverse, de ceux qui dépriment lentement : épuisement, alcoolisme, problèmes respiratoires, sida, gangrène, cancer, diabète… En France, on meurt toujours de pauvreté. La rue tue, été comme hiver. L’indifférence tue, elle aussi.

Silence autour de ces décès. Comme si la mort des pauvres voulait se faire oublier, se désacraliser. Car les SDF finissent leur vie, pour la plupart, dans une fosse commune sans funérailles, sans âge, sans identité. Ainsi, le vagabond désocialisé jusque dans la mort, ne laisse pas de trace. Or, s’il meurt seul, il meurt dans le seul espace qui lui reste, l’espace public, donc, de manière visible. La société veut effacer ce corps dérangeant nos perceptions.

A trop insister sur leur désir de disparaître ou sur leur tendance à l’autodestruction, on risque d’oublier que c’est la société qui voudrait bien les voir disparaître et s’y emploie de mille manières, sans le vouloir évidemment.




Terre Humaine


J’ai maints chapitres vus,
Qui pour néant se sont ainsi tenus ;
Chapitres, non de rats, mais chapitres de moines
Voire chapitres de chanoines.
Ne faut-il que délibérer ?
La cour en conseillers foisonne :
Est-il besoin d’exécuter ?
L’on ne rencontre plus personne.

Conseil tenu par les rats.
Jean de La Fontaine