Terre Humaine

22 mai 2006

TH JANVIER 2006 : AUX GEMONIES L'OMC ?!


AUX GEMONIES L'OMC ?!


Faut-il vouer aux gémonies l’OMC ? Oui, cela est de bon ton ; si vous voulez passer pour une personne de gauche (plus à gauche que moi, tu meurs), pour un tiers-mondiste vrai et convaincu, bref pour un alter mondialiste.
Pourtant les pays du tiers-monde participent à l’OMC. Mais ont-ils la possibilité de s’opposer à l’OMC ? La réponse est non. Les Etats-Unis, le Canada, le Japon et l’Union Européenne contrôlent plus de 80% du commerce mondial. Résister à ces molosses équivaudrait à un suicide.
Et à l’OMC, ce sont certes les représentants des Etats qui négocient mais ils le font de fait, la plupart du temps, au nom des sociétés transcontinentales qui dominent leurs économies nationales respectives, jamais dans l’intérêt de leur peuple.
Aujourd’hui, l’OMC est dirigé par un socialiste néo-libéral, Pascal Lamy, qui aspire à un monde où la Main invisible du marché résoudrait tous les problèmes de la pauvreté, de la maladie, de la survie. Il n’est qu’un mercenaire du capital mondialisé.
De plus, les signataires de Marrakech ont refusé d’inclure dans la Charte de l’OMC une « clause sociale » et une « clause écologique. »
Faut-il refuser le commerce mondial ? Prôner l’autarcie et le protectionnisme ? Faut-il refuser de siéger à l’OMC ? Forum mondial, qu’on le veuille ou non.
Les partisans du refus n’ont, hélas, pas de plan B. On l’a déjà expérimenté. L’extrême gauche et l’extrême droite se sont unies dans la rue contre la mondialisation, dans les urnes contre l’Europe. Elles l’avaient également fait dans les années trente contre la démocratie.
Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une phase « schumpétérienne » du capitalisme. Comme l’avait décrit l’économiste autrichien, le processus de destruction créatrice le transforme de façon permanente. Mais cette fois-ci, il se déroule à une vitesse inédite et, désormais, à l’échelle planétaire. L’entrepreneur mondial (les multinationales) « détruit les structures vieillies » et « crée des éléments neufs », dans une « mutation » sans précédent. Le nombre de travailleurs qui participent au jeu mondial a doublé en quelques années avec l’arrivée de la Chine, de l’Inde et du Brésil, passant de 1,5 milliard à 3 milliards.

Il est temps de cesser d’accuser les autres de nos maux, le capitalisme, le libéralisme, les Etats-Unis, l’Europe, l’élargissement ou l’Angleterre, et maintenant, la Chine, bref, toujours l’extérieur.
Il faut affronter le monde neuf sans arrière-pensées, se gardant de tout sentimentalisme, se défiant de l’idéologiquement correct, du politiquement correct, de l’économiquement correct. Avec, au contraire, un goût pour les idées qui marchent, neuves, validées, utiles. Avec l’envie d’aller voir ailleurs comment s’y prend l’étranger. Avec la volonté de mettre à mal l’alliance dominante des bien-pensants, nouée entre les profiteurs du statu quo et ceux qui s’enferment dans l’espoir vain de rebâtir l’ancien monde.
Le nouveau monde n’attend pas les pessimistes. Il se fait. Il s’accélère. Il tuera les immobiles.

Charles Trompette

La taxe et l’hypocrite
Le président français vient d’instaurer un impôt sur les billets d’avions. A compter du 1er juillet prochain, les passagers qui décolleront d’un aéroport français devront payer une taxe de 1 à 10 dollars. Avec les sommes ainsi collectées, Jacques Chirac - qui n’a jamais payé ses billets d’avion, ni ceux de sa famille - entend lutter contre la pauvreté et la faim dans le monde. L’intention pourrait paraître louable. En fait, elle ne l’est pas car sur le chemin qui pourrait conduire à éradiquer la faim et la pauvreté dans le monde se dresse l’obstacle de la politique agricole commune (PAC). En inondant les marchés mondiaux de nos surplus agricoles subventionnés, nous contribuons à maintenir des prix artificiellement bas sur le marché mondial. Et les barrières tarifaires dressées aux frontières de l’UE tiennent les pays en développement à l’écart d’un marché européen lucratif.

Cet impôt devrait, selon les estimations, rapporter quelque 200 millions d’euros par an. Or il y a dans le monde plus de 800 millions de personnes qui souffrent de malnutrition. Cela revient donc à une contribution de 25 centimes d’euro pour chaque victime de la faim – par an, s’entend. La PAC non réformée rapporte, elle, 11 milliards d’euros par an à la France et à ses 680.000 agriculteurs, c’est-à-dire 16544 euros par agriculteur. C’est cette différence abyssale qui rend le geste de Jacques Chirac aussi hypocrite.
Marien Abrahamse, Amsterdam.

Belles promesses
Monsieur le Président, les Africains n’ont pas besoin de votre charité d’Etat, celle-là même que vous pratiquez à l’intérieur de vos frontières et sans résultats. Ce dont la jeunesse africaine a besoin, c’est que vous arrêtiez de subventionner vos agriculteurs et que vous cessiez le protectionnisme agricole !

Ce qui est étonnant, c’est la proposition faite par M. Chirac d’accorder des visas de longue durée aux Africains ayant un niveau de formation supérieur. Il y a déjà plus de médecins béninois en France qu’au Bénin. Va-t-on vider l’Afrique de ses élites pour compenser la fuite des cerveaux européens vers les Etats-Unis ?

M. Chirac continue dans la veine de la Françafrique : jolies promesses qui ne mènent à rien et continuation des privilèges des despotes de tout poil. Ce qu’il faut vraiment à l’Afrique, ce n’est pas plus d’aides financières directes, qui sont majoritairement détournées, mais l’ouverture des marchés agricoles des pays développés, que M. Chirac refuse au nom de la protection des intérêts des agriculteurs.

Vœux de la Rédaction

Aux aveuglantes lumières,
Aux éclatantes certitudes,
Préférer le clair-obscur,
Où la vérité s’approche
Comme une ombre hésitante
Au mieux entrevue,
Jamais possédée.

Belle année 2006
Joie Lumière Espérance


Terre Humaine
« Au Brésil, la colonisation a produit un effort soutenu pour mettre en œuvre une européanité adaptée à ses latitudes et incarnée par le métissage. Elle s’est pourtant toujours heurtée à l’entêtement de la nature et aux caprices de l’histoire. Ainsi, en dépit de ces intentions, nous sommes devenus ce que nous sommes, nous nous situons aux antipodes de la blancheur et de la bienséance. Nous sommes aussi dés-européens que dés-indiens ou dés-afros. »

Darcy Ribeiro, anthropologue brésilien