Terre Humaine

22 mai 2006

TH FEVRIER 2006 : QUESTION DE DEVELOPPEMENT

QUESTION DE DEVELOPPEMENT



Hier, développement. Aujourd’hui, développement durable. Pourquoi devoir préciser « durable » ? L’ancien ne l’était-il pas ? Développement durable, un oxymore ? « Une obscure clarté qui tombe des étoiles. » Pourquoi allier deux mots de sens contradictoire ? Afin de leur donner plus de force expressive ? Tout développement ne conduit-il pas à la mort, à une fin certaine ? Le développement d’une plante, d’un être s’achève par une dégénérescence ?
Le développement, notion occidentale, occidentalisation du monde, échappe-t-il à sa logique ? Après la conquête et l’évangélisation du monde, après le colonialisme et la civilisation du monde, le président des Etats-Unis, en 1999, qualifie la majeure partie du monde de régions sous-développées. Ainsi naquit le nouveau concept qui allait permettre de poursuivre l’œuvre entreprise. Depuis sont apparues la mondialisation, la globalisation, la libéralisation….
Non sans cynisme, Henry Kissinger n’affirmait-il pas que la « mondialisation n’était que le nouveau nom de la politique hégémonique américaine » ? Et l’idée de développement est revenue en force dans les débats de l’Organisation Mondiale du Commerce. « Le développement, déclare Pascal Lamy, son directeur, est aujourd’hui, comme en attestent les objectifs du Millénaire de l’ONU, la priorité de l’agenda international. Il doit donc tenir une place centrale dans le système des échanges commerciaux mondiaux. »
Parce qu’elles annoncent des réussites miraculeuses qui ne surviennent jamais à l’échelle attendue, les politiques de développement ne sont-elles que des attentes messianiques de biens dérivés mais jamais accessibles ?
Aujourd’hui, le revenu et l’espérance de vie des plus pauvres de la planète est en pleine régression, tandis que l’accroissement des richesses sont en pleine expansion et accélère la destruction de la planète.
Oublier les mots « développement durable » ? Adopter une « sagesse de la nature » ? Rappeler à l’homme qu’il a trop longtemps cru pouvoir mater l’environnement. Mao Zedong n’ordonnait-il pas « que se courbent les montagnes et se détournent les rivières » ?
Ne plus accepter la suprématie des seuls critères économiques. Il y a plus de 50 ans déjà le père Lebret déclarait : « Le développement ne se réduit pas à la simple croissance économique. » Pour être authentique, il doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme.

Charles Trompette

La formation : la priorité
« Aujourd’hui, la plupart des emplois qui permettent de nourrir une famille exigent des études supérieures. » Cette phrase prononcée par Bill Gates, le fondateur de Microsoft, dit l’impitoyable dureté des temps. Hier, dans les belles années de l’industrie de masse, un ouvrier sans bagage scolaire pouvait chichement, mais décemment, nourrir une femme et trois enfants. Son salaire croissait avec l’ancienneté, son train de vie aussi.
Aujourd’hui, c’est fini. « Un jeune qui s’arrête avant le College (le niveau de la terminale aux Etats-Unis) gagnera en moyenne 25.000 dollars par an, poursuivait Bill Gates. Pour une famille de cinq membres, c’est le niveau de la pauvreté. »
La discrimination par le diplôme s’est considérablement accrue ces dernières années dans les pays développés. Le revenu des personnes ayant fait des études de niveau secondaire décroît régulièrement. Celui des personnes restées au niveau primaire plonge. Les plus diplômés s’arrogent le monopole des augmentations.
La différence se creuse au fil du temps avec pour conséquence que l’éducation est devenue l’une des premières causes de l’accroissement des inégalités salariales. On peut, bien entendu et heureusement encore réussir sans diplôme comme commerçant, artisan, sportif, artiste ou créateur d’entreprise. Mais statistiquement, la maîtrise (bac+5) est désormais la clé d’entrée dans l’ascenseur salarial et social.

La poignée de poussière
Dans un village, vivait un homme, riche à jeter l’argent par la fenêtre, et qui aimait à se tenir sur le devant de sa maison. Il remarqua que, chaque matin, un pauvre homme passait devant sa porte : il allait dans la brousse ramasser du bois mort qu’il revendait ensuite pour nourrir sa famille. Un beau jour, le richard dit au pauvre : « Chaque jour, je te vois passer devant ma porte. Ta pauvreté me fait pitié. Désormais, viens chaque matin me demander l’argent nécessaire aux dépenses de ta famille : ainsi tu n’auras plus besoin d’aller en brousse chercher du bois mort. » Le lendemain, le chercheur de bois se présenta devant le richard, le salua et attendit : « Combien te faut-il pour la journée ? » demanda le richard en mettant la main dans sa poche. « Donne-moi une poignée de poussière, cela suffira largement ! » répondit le pauvre. Le richard, bien que surpris et déconcerté, se baissa, ramassa une poignée de poussière sur le sol et la donna à son obligé.
Celui-ci le remercia comme s’il venait de recevoir une poignée de métal précieux puis, comme de coutume, partit à son travail. Le lendemain matin, le pauvre homme s’arrêta devant la porte du richard et lui demanda de nouveau une poignée de poussière. Le richard la lui donna. Les choses continuèrent ainsi quelques mois, sans façon ni problème. Puis, un beau matin, lorsque le marchand de bois mort se présenta pour demander sa poignée de poussière, le richard lui rétorqua avec humeur : « Ecoute, mon ami ! Si tu veux ta poignée de poussière, donne-toi la peine de te baisser et de la ramasser toi-même. Tu me fatigues à la fin ! » A ces paroles, notre ramasseur de bois éclata de rire. « Ô homme riche ! s’exclama-t-il. Te voilà excédé par le simple fait de me donner une poignée de poussière qui ne te coûte que la peine de te baisser pour la ramasser. Qu’adviendrait-il si chaque matin je venais tendre la main pour recevoir de toi une pièce d’argent ? Laisse-moi donc gagner la vie de ma famille. La sueur de mon front ne sera jamais importunée par ce qu’elle me donne chaque jour, mais tout autre qu’elle le sera tôt ou tard ! »

Moralité de ce conte peul : Le mot « Tiens ! » finit toujours par lasser celui qui le dit. Bien que dépourvu de poids physique, il pèse lourd s’il est dit trop longtemps.
Contes des Sages d’Afrique
Amadou Hampâté Bâ


Terre Humaine
« Comment se consoler au milieu de la mort des enfants, de la prostitution des adolescents, de la famine des vieillards, comment se consoler de la disparition de ce marxisme dont on oublie quelle immense espérance il avait donné aux orphelins du christianisme et à tous ceux qui, comme Jésus, se demandaient pourquoi Dieu les avait abandonnés ? Seule une beauté, encore elle, comme celle des cathédrales que j’ai tant fréquentées peut donner une réponse. »
Jean Daniel

« Nous devons nous libérer de la question économique (…). Il faut une révolution dans l’Etat. Désormais, un homme touchera son salaire, qu’il soit malade, bien portant ou âgé. Tous nos idéaux ne seront qu’imposture et hypocrisie tant que nous n’aurons pas brisé les chaînes de l’argent. »

D.H. Lawrence