Terre Humaine

22 mai 2006

TH MARS-AVRIL 2006 : UN MONDE EQUITABLE ET DURABLE


UN MONDE EQUITABLE ET DURABLE

Fabian Figueroa, père de six enfants, cultive 4,2 hectares de bananes à Santa Marta dans le Nord de la Colombie et livre chaque semaine 60 cartons de 18kg à la coopérative certifiée Max Havelaar depuis 1998. Au total, celle-ci regroupe 172 producteurs et vend régulièrement 6.000 cartons par semaine de bananes labellisées Max Havelaar sur le marché suisse.
L’an passé, 505 organisations de producteurs dans 52 pays regroupant plus d’un million de paysans ont vendu pour 1,2 milliard d’euros de fleurs, fruits, légumes, cafés, thés, sucre, coton, miel… du commerce équitable.
Le commerce équitable préconise l’instauration de conditions commerciales justes ; il propose une modification radicale de l’idéologie néolibérale ; il développe un commerce protégé et favorise une production efficace, mais aussi durable du point de vue social et écologique. Ces aspects sont pris en compte et intégrés dans les coûts, car des mesures de précaution sont devenues indispensables si l’on veut que l’humanité et les milieux naturels survivent et, partant, l’économie.
Certes, le commerce reste un moyen douteux de répartir les richesses entre les pays, entre les hommes. Mais c’est un moyen possible. L’argent dont a besoin le monde pauvre doit provenir de quelque part. Il s’agit de réclamer des règles du commerce international qui introduisent l’équité, d’étendre les règles actuellement appliquées, sur une base volontaire, par les acteurs du commerce équitable à toutes les entreprises qui font des échanges transfrontaliers.
Ce renversement de tendance doit devenir un objectif mondial et ne peut souffrir d’aucun délai. C’est un choix politique visant à mettre en place les conditions qui devraient permettre de reconstruire un environnement et des conditions de vie décentes pour l’ensemble de l’humanité, aujourd’hui et demain.
Pour ce faire, je propose de transformer l’OMC en OMCE : Organisation Mondiale du Commerce équitable.

Charles Trompette
Savoureux commerce équitable
Les produits alimentaires du commerce équitable – café, thé, chocolat, riz, céréales – n’ont pas le même goût que les autres. Sont-ils plus authentiques, moins sophistiqués ou plus rustiques que les produits des échanges ordinaires ?

Les produits du commerce équitable ont un goût spécifique parce qu’ils sont présentés tels qu’ils ont été cultivés et cueillis de la manière la plus naturelle possible.
Emanant de petits producteurs défavorisés des pays du Sud et intégrés dans les circuits commerciaux avec une meilleure rémunération, la plupart de ces produits sont issus de l’agriculture biologique. Ils portent le logo AB et sont exempts de produits chimiques (engrais, pesticides, activateurs ou retardateurs de croissance, additifs en tout genre).
Aucun conservateur ni arôme de synthèse ne vient modifier le goût du chocolat. Les consommateurs n’aiment pas les chocolats fourrés aux excipients, à la lécithine de soja, aux agents de texture et de saveur. Le meilleur de la gamme - le noir intense, produit par la coopérative El Ceibo (Bolivie), conché (roulé) et moulé en Suisse avec du sucre de canne des Philippines lui aussi « équitable » - possède un velouté et une longueur en bouche remarquables. Les puristes du Club des croqueurs de chocolat ont observé, lors d’une dégustation à l’aveugle que la gamme des chocolats du commerce équitable damait le pion à bien des produits standards du commerce ordinaire. Le noir dessert du Ghana (coopérative Kupa Kokoo) est à retenir pour sa texture fine et homogène et pour ses arômes délicats.
Les qualités organoleptiques des produits sélectionnées sont régulièrement testées en laboratoire. Le credo, c’est la gourmandise à l’état brut. Dernière en date à l’essai : l’amarante, une plante cultivée par les Incas, qui contient de la lysine, un acide aminé rare dans les plantes. Les riz en provenance du Laos et de Thaïlande, offrent une riche variété de couleurs ainsi que des textures et des saveurs insolites. Le quinoa, appelé riz des Incas, est riche en protéines ; c’est un substitut de la viande, une aubaine pour les végétariens, un plat complet, équilibré et bon qui plus est. Les cafés corsés du Mexique et du Pérou, et ceux plus doux du Guatemala ou le moka d’Ethiopie, sont identifiables au palais. Les thés verts de l’Inde ou du Sri Lanka assurent une bonne initiation dans la douceur aux vertus apaisantes de ce breuvage, à la condition d’en bien maîtriser la durée d’infusion (entre 2 et 4 minutes).

La quinoa a un petit grain
Elle a bon dos, la petite graine. Certains l’appellent « la » quinoa et d’autres « le », la dégustent « bien chaude » ou au contraire « sortie du frigo ». Bonne à tout faire, elle remplace aussi bien le riz, la semoule que le boulgour (blé concassé), avec l’avantage d’offrir une quantité de protéines défiant toute concurrence. Les Incas ne s’y étaient donc pas trompés lorsqu’ils décidèrent de dompter l’Altiplano pour y cultiver la chisia mama, la « mère de tous les grains » en quechua. Chaque année, l’empereur en personne semait les premières graines de la saison à l’aide d’un outil en or. Sur une fresque retrouvée près du lac Titicaca, une déesse porte un vase en cuivre dans lequel sont placés des épis de quinoa, symbole de robustesse et de puissance.
Mais au XVIème siècle, les envahisseurs espagnols coupent court à la tradition. Ils détruisent les champs, tranchent les mains des récalcitrants ou les condamnent à la peine de mort. Sûrs de leur bon droit, les conquistadors apportent avec eux la culture du blé, du seigle, l’élevage de moutons, de bœufs… La graine sacrée disparaît alors pendant des siècles.
Intrigués par cette histoire, deux Américains décident de réimplanter la quinoa en Amérique latine dans les années 1980. Si le culte a disparu, la richesse nutritive de cette plante herbacée demeure. Ses disques aplatis de deux millimètres de diamètre ne renferment pas moins de huit acides aminés essentiels et totalisent 13% de protéines. Très arrangeante, la quinoa ne rechigne pas à se fondre dans un potage, ni à prêter main forte à un pudding en quête de consistance. Au petit-déjeuner, à midi, au goûter ou en guise de dessert du soir, ses grains parfument délicatement tous les plats. Les peuples andins ont profité de son retour en grâce pour perpétuer la tradition d’une boisson alcoolisée appelée chicha blanca. Qui a dit qu’on ne savait pas quoi faire de la quinoa ?

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