Terre Humaine

19 mars 2007

TH JANVIER 2007



Migration : l’exil ou la mort.



Rien n’interrompt le flux des réfugiés qui errent dans les rues de Calais et qui finissent par s’infiltrer dans un ferry pour la Grande-Bretagne : ni les arrestations musclées ni la destruction des abris par les bulldozers encadrés de CRS.
Rien n’arrête les milliers d’Africains qui quittent leur pays pour rejoindre l’Europe. Beaucoup disparaissent en mer ou meurent dans le désert. « Mieux vaut mourir que rester pauvre toute sa vie. »
Elles sont chaque année 100 millions à tenter leur chance à l’étranger. Les femmes représentent désormais la moitié des migrants du monde.
Une fois parties, les femmes font vivre des familles entières grâce aux fonds qu’elles font parvenir à leurs proches restés au pays. Des 230 milliards de dollars envoyés en 2005, elles en assument une grande part. Elles envoient une plus forte proportion de leurs gains que les hommes. Cet argent sert à nourrir des ventres affamés, à habiller et à éduquer des enfants, à fournir des soins de santé, à améliorer le niveau de vie des êtres chers qu’elles ont laissés derrière elles.
La migration des femmes, dont beaucoup ont été formées à des métiers sanitaires et sociaux, pèse lourdement sur les pays d’origine. Le départ massif d’infirmières, de sages-femmes et de médecins des pays pauvres vers les pays riches est l’un des problèmes les plus difficiles que pose aujourd’hui la migration internationale. En 2003, 85% des infirmières philippines travaillaient à l’étranger.
Pour l’Afrique, qui vacille sous le poids des maladies infectieuses, cet exode est un véritable drame : tous les ans, 20.000 infirmières et médecins formés à grands frais par les pays africains quittent leur région natale.
Combien d’êtres humaines échouent dans des ghettos aux portes de la paradisiaque Europe, combien meurent dans le désert, combien disparaissent dans les flots pour satisfaire un rêve de liberté, nourrir une famille ? Qui leur dira qu’il n’y a rien, derrière le miroir, qu’humiliation et pauvreté ? Quand cessera cette hémorragie qui vide le Tiers-Monde de ses forces vives pour gonfler les rangs des clandestins en Europe et les poches des mafias et des exploiteurs ?


Charles Trompette



Hans Küng : l’autre cerveau de l’Eglise

Le dialogue des religions est devenu sa drogue. C’est, pour lui, le radeau de survie de l’humanité. Küng est régulièrement à Berlin, Moscou, Téhéran, Riyad, New York, Pékin, Séoul, Mexico, pour développer son projet d’ethos planétaire, ses applications à la science, à l’armement, à la technologie, aux religions. Il est sévère avec les trois monothéismes également rivés au « paradigme médiéval » : le catholicisme avec sa papauté et son système clérical ; le judaïsme orthodoxe avec son étroit système rabbinique ; l’islam avec sa charia. Le monde ira mieux quand ces religions auront atteint le « paradigme de l’âge moderne ». C’est possible, plaide Küng, qui cite les grandes réconciliations de l’histoire – France et Allemagne, Afrique du Sud – et les nouveaux prophètes : Gandhi, Luther King, Tutu, etc.


L’intérieur de la nuit
De son point de vue, la vie entière des Africains se passait à échapper à la mort. Ils ne semblaient même pas se rendre compte qu’elle les environnait. Elle était dans les cours d’eau au fond desquels proliféraient des vers. Ces derniers causaient des ulcères qui rongeaient les chairs des enfants. Elle était dans l’eau de boisson, dans les mares qui stagnaient aux abords des habitations, envoyant des nuées de moustiques couvrir le monde à la nuit tombée. La mort était partout dans l’ignorance des populations. La mort avait fait de l’Afrique son royaume. Il suffisait de voir les nuées de mouches qui couvraient de leur ombre des territoires entiers pour n’en pas douter, la mouche étant gardienne de la mort. Elle s’incarnait dans les chefs. Elle prenait forme humaine, tenait le chasse-mouches, arborait la chéchia en peau de panthère, et sévissait tout son soûl.
Tuer le père n’était pas envisageable dans ces parages, et les patriarches jouissaient du pouvoir suprême. C’était pour cela qu’ils étaient tous prêts à tout. Pour tenir dans leurs mains la puissance de celui qui dirait la loi. Celui que nul ne jugerait jamais. Père de la nation. Père de la révolution. Père fondateur. Grand libérateur. Celui qui jadis se déplaçait à dos d’hommes et qui disposait désormais de berlines climatisées et d’un avion personnel. Celui dont les serviteurs étaient jadis enterrés vivants et qui faisait aujourd’hui vivre son peuple dans les souterrains du manque et de l’obscurantisme.
Léonora Miano

Les mères meilleures que les pères
Quand les femmes ont droit à la parole, la part du budget consacré à la santé et à l’éducation augmente.

Une enquête menée dans trois régions du monde (Amérique latine/Caraïbes, Asie du Sud et Afrique subsaharienne) établit un lien très clair entre la nourriture dont disposent les enfants et le pouvoir de décision des mères. Les chercheurs ont calculé que si les hommes, en Asie du Sud, partageaient avec leur épouse le pouvoir de décision économique, le nombre d’enfants de moins de 3 ans sous-alimentés pourrait être réduit de 13%, soit 13,4 millions d’enfants.
Le pouvoir aux femmes ? L’économiste Muhammad Yunus, qui vient de se voir attribuer le prix Nobel de la paix, a déjà mis cette thèse en application : parmi les habitants du Bangladesh auxquels sa banque, la Grameen Banck, a prêté de l’argent, 96% sont des femmes car, dit-il, « les femmes ont un meilleur comportement économique. »



Terre Humaine
Bénis soient ceux qui disent non, car le royaume de la terre devrait leur appartenir. Le royaume de la terre appartient à ceux qui ont le talent de mettre le « non » au service du « oui ».
José Saramago


Vœux pour 2007
Rends-moi plus opulent dans le don pour égaler de ce qui est fécond, pour que le cœur et la pensée deviennent vastes comme le monde ! Et que toutes ces activités ne parviennent pas à me fatiguer. Que les grandes prodigalités viennent de moi sans jamais s’épuiser.
Tels sont pour vous les vœux de Gabriela Mistral et de l’équipe de Terre Humaine pour 2007.