Terre Humaine

19 mars 2007

TH MARS 2007 : LE BRESIL EST EN GUERRE



Le Brésil est en guerre



« Et dans ton pays, il y a aussi la guerre ? » me demande Romario, garçon de 10 ans habitant la Comunidade (mot noble pour favela) da Pedreira dans le quartier de Pavuna, de la Baixada Fluminence, immense banlieue noire, pauvre et violente de Rio de Janeiro.
Aujourd’hui encore me hantent les cauchemars de favelas violentes et miséreuses : tir d’armes automatiques, balles perdues, trafiquants armés vendant la drogue dans les ruelles, rues coupées par des gravats, des rochers, des troncs d’arbre pour empêcher la circulation de la police, gamins équipés de talkie-walkie surveillant l’entrée de la favela et annonçant l’arrivée d’étrangers, conversation à voix basse racontant drogue et assassinat…
Aujourd’hui comme hier, la violence et le crime sont le quotidien des favelas. Aujourd’hui plus qu’hier, je ne sais. Mais l’enfant estime vivre dans un pays en guerre. Les morts violentes sont plus nombreuses chaque jour au Brésil qu’en Irak. 50.000 meurtres par an. Le Brésil est bien en guerre. Une guerre qui ne dit pas son nom, une guerre qui n’intéresse pas les média de la planète et ne sert qu’à faire les gros titres des journaux brésiliens à sensation.
Le trafic de drogue est florissant et très lucratif. Il est facile d’y prendre part : sans éducation, désoeuvrés, les jeunes cèdent à la tentation. Des milices parapolicières, formées de policiers, de pompiers, et de gardiens de prison prétendent expulser les criminels des favelas. Elles contrôleraient déjà une centaine des 650 bidonvilles de Rio de Janeiro. Elles affrontent les gangs de trafiquants, défient les forces de l’ordre et imposent leur loi. Elles deviennent à leur tour une mafia, un pouvoir parallèle. Elles extorquent de l’argent aux favelados, notamment aux petits commerçants installés dans les ruelles tortueuses et aux vendeurs de bombonnes de gaz.
Sortir de cette violence ? La seule issue : l’Education. Un combat, sans violence, que mène essentiellement la femme brésilienne.
En attendant Godot…, carnaval et tragédie avancent main dans la main. Quand la mort rôde, et que tout devient incertain, la fuite dans la fête s’intensifie.

Charles Trompette



La comunidade en résistance


Les enfants de l’école de Tingua viennent de la rue et des favelas. La vie dans la favela est un entre-deux permanent entre la violence et la fête, la joie de vivre et la mort qui peut frapper à tout moment.

« A l’intérieur même de notre pays, il y a de très nombreux préjugés non seulement sur la vie dans la favela mais également sur tous ceux qui y vivent. Pour la majorité, la favela, c’est la drogue et la violence. Bien sûr, cela est présent mais il y a aussi des gens qui luttent, qui résistent avec un très grand potentiel. » Renata

« La favela est joyeuse et triste à la fois. Il y a des moments où l’on s’amuse dans la rue et les gens des gangs ou la police viennent nous menacer… » Romario

« Même s’il y a de la drogue et de la violence, il y a dans la favela des gens honnêtes, courageux, travailleurs. La police devrait protéger les plus pauvres au lieu de nous assimiler tous à des trafiquants. » Fabio

« Dans la favela, il y a beaucoup de violence et de gens qui souffrent. On est toujours en train de lutter pour montrer à tout le monde notre résistance et nos potentialités. » Daniela

« La favela, ce sont des femmes et des hommes qui se battent tous les jours pour avoir de quoi manger le lendemain. C’est la lutte quotidienne du peuple pour vivre décemment. » Cleonis

« Malgré la violence, la vie dans la favela est joyeuse et belle. » Deivson

« Il y a la joie, la tristesse, les difficultés et des barrières à faire tomber. Pour moi la vie dans la favela, c’est la résistance. » Elein

« La favela, c’est la dureté de la vie. Et les mères qui ne savent pas ce qu’elles vont donner à manger à leurs enfants le lendemain. Et malgré ces difficultés, les gens qui vivent là, résistent et luttent pour s’en sortir. » Flapinho

« Le processus pédagogique est long, précise Nubia. Il y a en premier lieu une réponse immédiate : l’adolescent commence à prendre goût aux actions que nous proposons et va laisser tomber peu à peu la drogue, les gangs, etc. Puis il y a une deuxième étape, plus longue à se dessiner. Au bout d’un certain temps, ces enfants apprennent à relever la tête. Ce n’est pas seulement une image. Ils ont eu jusqu’alors une vie difficile où, depuis tout petits, ils ont passé leur temps à récupérer les cartons, les détritus. A baisser la tête. Ils la relèvent maintenant et commencent à pouvoir parler en regardant les gens dans les yeux : ils se projettent vers le futur. Enfin, il y a les plus anciens qui deviennent à leur tour des formateurs, des professeurs. Ils deviennent des « passeurs », au sens où ils vont retransmettre ce qu’ils ont appris. Mais l’objectif le plus immédiat et concret reste dans la plupart des cas la préservation de la vie, car la mort est toujours très proche dans le milieu où ils vivent. »


Un autre Brésil : la ferme la plus grande du monde.


Quelle est cette ligne sur la carte du Brésil qui, chaque année se déplace vers les quatre points cardinaux ? C’est la ferme la plus grande du monde, et qui continue à grandir. Cette progression a quelque chose de militaire. On dirait une armée en marche, poussée par toute une nation. Et la frontière, cette frontière perpétuellement nouvelle, devient front lorsque les pionniers défricheurs arrivent à l’extrémité de la savane et commencent à s’attaquer aux grands arbres. La forêt amazonienne est la première réserve de biodiversité de la planète (le cinquième des espèces de plantes, le cinquième des espèces d’oiseaux, le dixième des espèces de mammifères). Et, plus vaste forêt du monde, elle freine les progrès de l’effet de serre. Dans ces conditions, à qui appartient la forêt amazonienne, richesse essentielle à la survie générale de l’humanité ?


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« Le droit de l’enfant c’est d’être un homme ; ce qui fait l’homme, c’est la lumière ; ce qui fait la lumière, c’est l’instruction. Donc le droit de l’enfant, c’est l’instruction gratuite obligatoire. »
Victor Hugo. 1849