Terre Humaine

13 avril 2007

CHOUCROUTE DE LA SOLIDARITE : AMBIANCE ET REFLEXION


Article paru dans Le Républicain Lorrain le 13/04/2007

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UN BOL DE RIZ POUR FAIRE REFLECHIR LES RASSASIES


Article paru dans Le Républicain Lorrain le 03/04/2007

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TH AVRIL 2007 : LE MONDE, LA FRANCE, AILLEURS...





Le Monde, la France, ailleurs…




Le Secrétaire à la défense américain, Robert Gates, se prononce pour la fermeture de Guantanamo. Il reste aujourd’hui 385 détenus sur la base américaine : zone de non-droit absolu.
Biocarburants : sinistre idée de transformer les aliments en carburant, pour les voitures alors que des millions d’êtres humains sont condamnés à une mort prématurée par la famine.
Au Mexique, le prix des tortillas a augmenté de 14% en un an : le maïs américain est transformé en éthanol.
Chute de l’assistance internationale, la pénurie alimentaire nord-coréenne s’aggrave.
Le Zimbabwe est à genou : 1700% d’inflation, taux de chômage de 80%, pénuries de céréales et de produits de base. Or plus le pays s’enlise, plus le régime de Robert Mugabe rogne sur les dernières libertés publiques : urne muselée, opposition harcelée, réunions politiques interdites…
Somalie : existe-t-elle encore ? Rebelles, islamistes, clans, miliciens, forces gouvernementales, troupes éthiopiennes : la mort rôde dans un état-fantôme.
Congo, Côte d’Ivoire, Nigéria, Tchad, Soudan, Darfour… l’Afrique n’en finit pas de saigner.
Crimes de guerre en Tchétchénie, assassinat en plein Moscou d’Anna Politovskaïa, journaliste, femme d’exception, honneur de sa profession… l’Europe avide de gaz russe se tait, murmure à peine…
Philippines, Indonésie, Pakistan, Afghanistan, Irak, Palestine, Algérie… ils utilisent Dieu pour massacrer l’Autre, le Différent, l’Homme. De la Maison Blanche aux montagnes afghanes, les fondamentalismes religieux se tendent les mains pour massacrer.
Poussés à l’exil par la sauvagerie de la guerre civile (provoquée par l’intervention des « forces du bien »), deux millions d’Irakiens ont fui leur pays. La moitié est réfugiée à Damas. Beaucoup d’entre eux y deviennent le bouc émissaire idéal. Qui a parlé de choc des civilisations, de guerre des cultures ?
Il n’y a pas de « miracle » chinois. Le décollage de la Chine, qui fascine et effraie le reste du monde, a sa recette ; une armée de petites mains qui cousent, troussent, agrafent à la chaîne, le « made in China », qui envahira ensuite les supermarchés et les marchés de la planète à des prix imbattables. Dans les soutes du capitalisme rouge trime une main d’œuvre taillable et corvéable à merci, grincent les machines de « l’atelier du monde. »
En Inde, deux enfants sur trois sont victimes de mauvais traitements. Un enfant sur cinq dans le monde vit en Inde. Une étude commandée par le gouvernement révèle que dans un cas sur deux, il s’agit d’abus sexuels, en majorité sur des garçons. Un pavé dans la mare dans un pays où ces pratiques constituent un véritable tabou sociétal : cruauté, atteinte à la dignité, humiliation, violence émotionnelle et physique, abus sexuels, harcèlement, attouchements, viols. Les auteurs de ces mauvais traitements appartiennent à l’entourage immédiat des enfants : amis, proches, parents. Treize millions d’enfants victimes d’esclavage en Inde. Aujourd’hui.
Le Monde brûle ; les français regardent ailleurs ; au fond de leur porte-monnaie, au fond de leur compte bancaire, au fond de leur pouvoir d’achat. Ce qui déstabilise le monde, c’est la misère, ce sont des inégalités qui se creusent, c’est l’humiliation de ceux qui sont bafoués. Certes, il ne faut par noircir le tableau ! Tous aux abris ! Ce n’est plus la lutte finale, c’est le repli national !



Charles Trompette







L’innocence violée



Socialement, elles ne sont rien. Du point de vue économique, ce sont des marchandises qu’une mère maquerelle a faites siennes, et que plusieurs clients louent chaque soir pour 5 ou 10 dollars. Au petit matin elles s’écroulent dans le deux-pièces qu’elles partagent au centre de Phnom Penh, et quand elles s’éveillent, le film de la nuit repasse dans leur tête et le dégoût les envahit. Ce sont des filles de la campagne, d’une campagne extrêmement pauvre, où les paysans sont d’une ténacité légendaire et où les femmes travaillent encore plus dur que les hommes. Dans ce monde si différent de celui de la capitale, de nombreux mariages sont arrangés comme jadis, et l’honneur des familles veut que les filles soient vierges, sinon la communauté les rejette impitoyablement.
Mais aucune des locataires du Building Blanc n’a connu ce destin. Soit parce que leurs parents ont réellement cru qu’elles deviendraient ouvrières en usine, soit parce qu’elles ont eu l’infortune de naître dans une société aux valeurs anéanties par une succession de guerres ; la plupart d’entre elles ont été vendues contre une poignée de billets à un recruteur ou à une recruteuse, qui les a revendues avec bénéfice à une maquerelle ou à un maquereau.
Elles s’appellent Da, Môm, Sinourn, Aun Thom, Mab. Elles ont entre 19 et 23 ans. Elles font partie des 20.000 prostituées de Phnom Penh, dont un quart sont adolescentes. Beaucoup sont séropositives, beaucoup se droguent, beaucoup font des tentatives de suicides, mais elles ne savent rien faire d’autre, sont prises dans le système. Toutes sont jolies, gracieuses, mais déjà fanées. Car le travail de nuit, en contradiction avec les rythmes biologiques, donne souvent aux chairs un aspect de cire molle.
Au moyen d’une pipe à eau, composée d’une bouteille et d’une paille en plastique, elles inhalent du yaa maa, une amphétamine à base d’éphédrine, psychostimulant que les soldats du Viet Nam connaissent bien.
Les laboratoires clandestins du Triangle d’Or en inondent l’Asie du Sud-Est, et notamment la Thaïlande, où, de la gogo-girl au chauffeur routier en passant par l’ouvrier du bâtiment, de nombreuses professions y ont recours pour tenir le rythme ou simplement rester éveillés. Il en existe de toutes sortes, plus énergisantes ou plus planantes. Les jeunes femmes ont manifestement choisi la variété planante. Ce qui leur permet d’oublier les insultes de la mère maquerelle qui résonnent dans la cage d’escalier, le énième avortement qui se profile à l’horizon, le risque d’attraper le sida avec un de ces clients qui refusent les rapports protégés, et la perspective de crever comme une bête sans médicaments à un prix abordable.
La pluie de mousson tombe en épais rideaux. Son visage de chat levé vers le ciel, Da improvise un chant où il est question de filles qui gagnent leur vie à la sueur de leur corps. Le vent gonfle son sarong, les gouttes roulent sur ses joues. Elle n’a que 21 ans et déjà tant de remords. Le pire est d’avoir entraîné dans la prostitution sa sœur, qui est en train de mourir à petit feu, le corps recouvert de furoncles, dans une misérable cahute.
Le Building Blanc, c’est un peu l’île des enfants perdus qui tentent de fuir la réalité en planant à l’aide d’amphétamines, mais qui replongent chaque soir dans un univers hostile où aucune poussière magique ne permet d’échapper aux dangers. Bien que la prostitution soit officiellement interdite au Cambodge, les bordels, karaokés, bars et salons de massage pullulent dans la capitale. Ce qui revient à dire que les filles n’ont pas le choix. « Quand on s’étend sur un lit, c’est comme si on s’étendait sur la planche d’un boucher. Pour l’argent, on supporte tout. Même à quatre ou cinq, on accepte. » Beaucoup d’entre elles ont été tuées par des hommes furieux de n’être pas obéis, et leur mort n’a pas donné lieu à un entrefilet dans les journaux. Elles ont disparu. C’est tout.
Les « mauvaises filles » racontent. L’une a été fouettée à coups de ceinture par la maquerelle, l’autre s’est fait pocher l’œil par un client. Leurs confidences se déroulent comme un palimpseste dont le décryptage nous guide vers une vérité d’ordre général : le marché du sexe est en pleine croissance, et il se fonde avant tout sur les inégalités ; la mondialisation des échanges n’a fait qu’accélérer la marchandisation des êtres et des choses. « Il m’a dit : « Traînée, fais-moi une gâterie » J’ai dit : « Non ». Il m’a frappée. » Elle peut à peine ouvrir son œil. Comment travaillera-t-elle ce soir ? Qui voudra d’une fille au visage tuméfié ? Son minois de 20 ans, c’est son outil de travail.





Terre Humaine



On n’a pas le choix. On ne peut plus se penser sans penser le monde. Il est bien temps « d’abattre le haut rideau d’épines derrière lequel nous fûmes des acteurs à la langue coupée. »


René Char