Terre Humaine

14 août 2006

MADAGASCAR. UN ESPOIR : L'EDUCATION


Un espoir : l’éducation


Charles Trompette, fondateur de Terre Humaine, revient de Madagascar où il a assuré une formation en langue et culture françaises et sur la mondialisation pour les postulantes de la Divine Providence de Saint-Jean de Bassel. Il témoigne de l’importance de l’éducation dans la lutte contre la misère. Il sera bientôt de retour sur l’île de Nosy Be pour animer un stage pédagogique pour les professeurs de l’école Jeanne d’Arc.

Madagascar est l’un des pays les plus pauvres de la planète. Sur une population de 19 millions d’habitants, 75% vivent en dessous du seuil de pauvreté, contre 40% en 1960. Ce qui signifie que la grande majorité des êtres humains ne dispose pas du minimum nécessaire à l’existence. Et ce sont les paysans qui souffrent le plus de malnutrition. Leur revenu stagne à un niveau très bas en raison de la pression démographique, de la taille des exploitations et de la difficulté d’acheminer les produits sur les marchés. La mortalité infantile est en forte progression. Près d’un enfant sur six meurt avant d’avoir atteint l’âge de 5 ans. Près des trois quarts de la population n’ont pas accès à l’eau potable. La moitié de la population de plus de 15 ans est analphabète. Le taux de scolarisation dans l’enseignement primaire est en baisse.

Depuis 1950, les Sœurs de la Divine Providence de Saint-Jean de Bassel, dont Sœur Victorienne (92 ans) et Sœur Rose Marguerite (87 ans) ont été parmi les pionnières, travaillent au service des plus pauvres dans les domaines de l’éducation et de la santé. Dans la région de Fianarantsoa, elles participent activement à un programme d’alphabétisation des jeunes enfants : le Vozama. L’ONG malgache Vozama (abréviation de Vanjeo ny Zaza Malagasy qui signifie « Sauvons les enfants malgaches ») poursuit quatre objectifs principaux : 1. Alphabétiser les enfants non scolarisés pour les mettre dans un délai de deux ans sur le chemin de l’école. 2. Assurer leur suivi jusqu’à la fin de l’école primaire. 3. Sensibiliser les parents à l’importance de l’éducation, leur implication étant la clé de la réussite 4. Former ces adultes à devenir acteurs de leur développement. Vozama a été créée en 1995 par le Père jésuite André Boltz, missionnaire à Madagascar depuis plus de 35 ans qui déclarait : « Ni les milliards de devises, ni la multiplication des bacs et des doctorats, ni le matériel sophistiqué, ni les techniciens capables et dévoués ne sauraient tirer Madagascar de sa pauvreté si le pays continue à multiplier par million ses illettrés. » Vozama travaille quotidiennement au développement de la Grande Ile. Ses formations visent aussi bien l’enfant que ses parents. Par son étroite collaboration avec les communes, les Eglises et les écoles, elle crée autour d’elle un terrain favorable au développement. Elle permet tous les ans à 11.000 enfants âgés de 5 à 10 ans d’apprendre à lire et à écrire dans le poste d’alphabétisation installé dans leurs hameaux et à ensuite intégrer, après deux années, les structures scolaires existantes. Elle suit 16.5000 enfants qui ont intégré les écoles publiques ou privées. Elle rencontre tous les deux mois lors de sessions les parents de ces enfants. Elle les sensibilise à la valeur et à la nécessité de l’éducation en les faisant participer directement au projet. Elle permet à 750 personnes, moniteurs et inspecteurs d’exercer un métier dans l’enseignement et d’être formés. 25 personnes assurent la préparation des programmes pédagogiques, l’encadrement des moniteurs et des inspecteurs, la formation des parents et le suivi des élèves qui ont déjà franchi le seuil des écoles. L’association travaille dans la brousse de la province de Fianarantsoa. Plus des trois quarts de ces villages ne sont accessibles qu’à pied ou en moto.

La vie dans un poste de Vozama
Rakotozandry est titulaire d’un BEP. Il a été sollicité par les parents de son village pour devenir le moniteur du « poste Vozama » installé dans une case tout près de chez lui. Comme mobilier, des nattes, des bancs et un tableau noir. Il accueille une quinzaine d’enfants entre 5 et 10 ans qui ont raté le coche de l’école publique. Quatre matinées par semaine, il leur apprend les rudiments de la lecture, de l’écriture, les règles de base de l’hygiène et de la protection de l’environnement. Au début de chaque première leçon : séance de toilette pour les enfants et pendant la récréation visite de l’arbre de chacun, encore en pépinière… qui sera leur diplôme de fin d’année.
Dès la rentrée scolaire, Rakotozandry relève les noms des enfants qui n’ont encore aucune pièce d’état civil. L’association leur en fera établir en collaboration avec les communes.
Il reçoit une fois par mois la visite d’un inspecteur. Tous les mois, il fait trois heures à pied pour se rendre à la session de formation durant laquelle il est initié à la pédagogie, où sont vérifiés ses préparations ainsi que les cahiers de ses élèves. Ce jour-là, il touche aussi son salaire mensuel de dix euros.
Les parents ont la responsabilité de l’aménagement du poste (nattes, bancs, toilettes…), de son environnement ainsi que de son suivi dans le quotidien. Tous les deux mois, ils font quelques heures de marche pour participer à la réunion de formation : occasion de les sensibiliser à l’importance de l’éducation, aux problèmes de santé (hygiène, tuberculose, sida…) et de les initier aux nouvelles techniques agricoles.
A terme, lorsque tous les parents du village envoient tous leurs enfants spontanément à l’école, le poste d’alphabétisation est fermé ; mais l’action de Vozama continue par le suivi des enfants dans ces écoles, la formation des parents et par la création d’un nouveau poste d’alphabétisation dans un autre village.
« J’ai pu participer à une séance d’enregistrement civil de centaines d’enfants dans un village, raconte Charles Trompette. Légalement, ces enfants n’existaient pas ; ils ne pouvaient même pas s’inscrire dans une école. La lutte contre la misère dans le tiers-monde, à Madagascar, au Brésil, en Chine, commence par cette reconnaissance des êtres humains. Ensuite il y a l’éducation, priorité des priorités. Mais une éducation de qualité. Et pour ce faire, il est nécessaire d’apporter une aide massive à ces peuples. Il faut que les gouvernements tiennent leur promesse (déjà formulée en 1970) de verser réellement 0,7% du PIB à l’aide au développement. On en est loin. En trichant sur les chiffres, la France verse à peine 0,4%. Vozama accomplit un travail magnifique dans des conditions d’extrême misère. Mais on ne peut pas accepter de verser un salaire de 10 euros par mois à un enseignant… L’Occident doit partager ses richesses. »

Pour aider Vozama : Contact Sœur Lucile - Couvent de Saint-Jean de Bassel.

TH JUILLET AOUT 2006 : DIES IRAE



Dies irae

Dies irae pour un peuple plongé dans une misère extrême, dans l’extrême misère, dans l’extrémité de la misère… Un jour m’habituerai-je à cette misère ? J’aurais dû vous parler à cette heure de la misère extrême que j’ai « découverte » en juin dernier à Madagascar. Mes questions : « Ce peuple est-il heureux ? », « Ce peuple peut-il être heureux ? » Les réponses sont affirmatives. Les sourires, la joie, le bonheur sur les visages, dans les cœurs. Et notre Occident repu qui ne cesse de geindre ! Jour de colère, non, jours de joie passés avec ce peuple qui vit.

Dies irae pour un autre peuple écrasé par les bombes terroristes. Puisque ce mot semble devoir désigner le mal absolu qui justifie tous les massacres d’enfants, de femmes, d’hommes. Dies irae pour le peuple du Liban. D’un côté deux soldats, des combattants, faits prisonniers, quoi de plus normal, les lois de la guerre, de la « belle » guerre sont respectées. De l’autre 800, 900, 1000 civils (au fil des jours, le bilan s’alourdit, disent les journalistes) massacrés, assassinés par les armes les plus sophistiquées d’une « démocratie » soutenue et armée par une « démocratie » encore plus grande, encore plus forte, encore plus belle. Où sont les terroristes ? Cherchez l’erreur, cherchez le faux-sens ! Sur quoi se fonde la confiance d’Israël dans le pouvoir des bombes. Rêver l’éradication du Hezbollah à coup de bombes, c’est rêver de faire marcher un homme en lui coupant les jambes. La presque totalité de la population chiite libanaise – soit près de 40% du peuple – soutient le Hezbollah qui est né en 1982 pour résister à la première invasion du Liban par l’armée israélienne. Depuis ce n’est plus seulement un parti armé, c’est une organisation sociale, politique, économique, un mode de pensée, une force incontournable.

Au 32ème jour de guerre, selon l’AFP, on dénombre au Liban, 1130 tués dont plus de mille civils dont 30% d’enfants de moins de 12 ans. En Israël, des enfants, des filles dédicacent des obus destinés à être tirés sur le Liban, à tuer des enfants et des filles du Liban. Et cela sous l’œil des photographes, des journalistes ! Jusqu’où iront la haine et le cynisme des hommes ? (Photo Schneider. AP/Sipa). En Israël, 40 civils ont été tués par les roquettes du Hezbollah et 93 militaires israéliens ont péri dans les combats. Cherchez les terroristes !



Charles Trompette
13/08/2006

Lettre à des Israéliens
Extraits


Si seulement vous saviez le montant de violence et de haine que sèment vos chars et vos avions, vous auriez peur de votre peur, peur du fourvoiement qu’elle vous inspire. Vous useriez de la force écrasante qui est la vôtre pour ne confier la paix qu’à l’application du droit : au retrait de vos troupes de tous les territoires occupés, au démantèlement de toutes les colonies, au respect de la légitimité du gouvernement palestinien. Le recours à la toute-puissance militaire ne vous a-t-il pas donné la preuve en Palestine, ainsi qu’à vos alliés américains en Irak, de son impuissance à mettre la réalité au pas de vos désirs ? Vos gouvernants ont beau mettre le feu au paysage qui vous effraie, plus ce paysage brûle, plus il vous fait peur.
La réalité que vos chars et vos avions prennent pour cible – vies humaines, maisons, routes, villes et villages -, à peine l’avez-vous démolie qu’elle vous échappe. Si tangible, si spectaculaire soit-elle, la conquête qui est à la portée de vos soldats est un leurre. C’est, certes, une domination de l’espace, mais le temps ? Comment espérez-vous l’atteindre ? C’est pourtant lui votre ennemi, c’est lui qu’il vous faut amadouer, apprivoiser. Car cet espace, quoi que vous fassiez, est habité par un monde qui survit à ses morts et qui n’est pas le vôtre. Plus vous le détruisez, le rasez, l’effacez, plus sa mémoire grandit et se transforme en haine.
Ce monde vaincu, fini, décomposé, a donné à Israël, ainsi qu’aux grandes puissances, la mauvaise habitude de marcher au rythme et à la cadence que ceux-ci leur imposaient. Bon gré mal gré, il a, depuis la fin de l’Empire ottoman, réglé sa montre à l’heure occidentale, adopté un calendrier qui n’était pas le sien. Quoi qu’il en soit, le religieux, revenu en force sur la scène politique, a pris désormais le relais de l’arabisme. Et ce nouvel Orient déboussolé est, encore une fois, bien trop compliqué pour se laisser forger comme du métal par la seule volonté du couple israélo-américain et par le feu des bombes.
La plupart des régimes arabes, qui n’épuisent aucun adjectif – répressifs, mensongers, traîtres et corrompus -, sont en état de survie artificielle. C’est l’islamisme qui prend désormais un peu partout, sous des formes diverses, le relais de l’arabisme.
Le temps des islamistes n’est plus à la merci du vôtre. Vous aurez beau poursuivre leurs hommes de ville en ville, de pays en pays, les heures et les années qui sont les leurs n’ont plus de comptes à vous rendre. Tendez l’oreille, et comparez les discours arabes du siècle dernier avec ceux des actuels chefs religieux. Le débit des premiers est pressé, survolté, branché sur l’Occident, le second est lent, calme, indifférent à vos sommations, à vos ultimatums. Les islamistes ont donné un énorme coup de frein à la marche de l’histoire. Contre cette nouvelle horloge, vos bombes ne peuvent rien.

Dominique Eddé, libanaise.



Terre Humaine

« Contempler le monde pour mieux agir et agir dans le monde pour mieux le contempler. »


Ignace de Loyola


« Avec la mondialisation, il n’y a plus de différence entre le prochain et le lointain. Le lointain est notre voisin. La quête d’un lien universel commun est incontournable. »

Pascal Lamy


« La guerre, c’est le mal absolu ; elle résulte de la connerie humaine. La guerre, c’est la mort des autres. On ne la laisse durer que parce que ce sont les autres qui la font et qui en meurent. »

Jean Guéhenno