Terre Humaine

31 mai 2006

MAI 2006 ECHOS DU PELERINAGE AU BIENHEUREUX JEAN-MARTIN MOYE


Nous publions ici la lettre envoyée par les Soeurs de Benfeld suite à leur journée passée à Cutting lors du pèlerinage au Bienheureux Jean-Martin Moye.

MAI 2006 ECHOS DU PELERINAGE AU BIENHEUREUX JEAN-MARTIN MOYE


Texte paru dans "TOUR D'HORIZON", petit journal des Soeurs de la Providence

MAI 2006 ECHOS DU PELERINAGE AU BIENHEUREUX JEAN-MARTIN MOYE


Courrier rédigé par les Soeurs de Benfeld.
Mai 2006

24 MAI 2006 CONSOMMONS PLUS JUSTE


Article paru dans Le Républicain Lorrain, le 24 mai 2006
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26 mai 2006

SIECLE DES LUMIERES : L'EDUCATION CONTRE L'IGNORANCE

Siècle des Lumières
L’éducation contre l’ignorance



« Rien n’est plus important que l’éducation de la jeunesse ; car d’elle dépend l’avenir. »

Jean-Martin Moye, au Siècle des Lumières.



1992, nous fondons Terre Humaine, association tiers-mondialiste, comme dit un certain, avec comme priorité des priorités, l’éducation, la formation de l’opinion publique sur les réalités de la planète, avec comme devise, les mots de Térence, poète romain, « Rien de ce qui est humain, ne m’est étranger. »

Education ici, éducation là-bas. Terre Humaine appuie l’éducation des enfants des rues et des favelas au Brésil réalisée par Fé e Alegria, Foi et Joie, mouvement d’éducation populaire fondé par les Jésuites, éducation réalisée par l’école de Tingua, fondée par Paul Muller.

Demain, nous partirons à Madagascar pour assurer une formation sur la mondialisation des jeunes postulantes de la Congrégation de la Divine Providence.

Jean-Martin Moye n’a cessé de combattre l’ignorance ici en Lorraine, là-bas en Chine. Terre Humaine, à son humble mesure, tente de régler son pas sur le pas du Bienheureux. « Rien n’est plus important que l’éducation de la jeunesse. »


Charles Trompette
16.05.2006

24 MAI 2006 PELERINAGE CONVIVIAL


Article paru dans Le Républicain Lorrain le 24 mai 2006.
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4 MAI 2006 UN BOL DE RIZ POUR ETUDIER


Article paru dans Le Républicain Lorrain, le 4 mai 2006.
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22 mai 2006

TH MAI 2006 : PALESTINE-ISRAËL

PALESTINE-ISRAËL


Les médias ne nous disent pas ce qu’il faut penser mais à quoi il faut penser. Dans le conflit israélo-palestinien, souvent, le journal de vingt heures s’ouvre sur les images d’attentat suicide perpétré en Israël ; mais très rarement sur les corps des Palestiniens bombardés par Tsahal. Et lorsque l’assassinat d’un enfant palestinien parvient à faire la « Une », comme celui du petit Mohamed Al Dura, le 30 avril 2000, massacré par l’armée israélienne, certains n’hésitent pas à ouvrir une polémique sur la véracité des faits, occultant la mort de l’enfant.

Israël est le dernier Etat au monde à construire un mur de la honte. Israël est le premier Etat au monde à enfermer derrière du béton, des barbelés et de l’électricité tout un peuple. Israël, gouvernement de gauche comme gouvernement de droite, gouvernement acceptant de négocier, gouvernement refusant de négocier, vole la terre au peuple palestinien, abat les oliviers du peuple palestinien, l’affamant de plus en plus chaque jour. Les cartes présentant l’espace des deux Etats au cours des dernières décennies démontrent l’anéantissement de l’Etat palestinien et du peuple palestinien par Israël. Et Israël ne quitte Gaza que pour mieux renforcer son emprise sur la Cisjordanie.

Des 44% de la Palestine historique promis aux Arabes en 1947, ne leur restera-t-il, en 2007 que quatre bantoustans sur moins de 10% de l’ex-mandat britannique, sans capitale à Jérusalem-Est ni solution au problème des réfugiés ?

Israël aura-t-elle le courage de démanteler les colonies enclavées en Cisjordanie, créées illégalement par des fanatiques d’extrême droite,
surarmés et racistes ? Israël aura-t-elle le courage d’admettre que les Palestiniens combattent pour leur indépendance et leur liberté, que l’occupation et le mur sont suicidaires pour l’avenir même de l’Etat juif ?

Micheline Banzet
Charles Trompette


Actes et paroles
« A l’extérieur on a coutume de croire qu’Israël est presque vide, que rien n’est cultivé ici et que quiconque veut acheter de la terre n’a qu’à venir et acheter selon ses désirs. En réalité, la situation n’est pas celle-là. Au travers du pays, il est difficile de trouver de la terre cultivable qui ne soit pas déjà cultivée. Si, un jour, la vie de nos fiers juifs en Palestine se développe au point de refouler les habitants du pays sur une petite ou une grande échelle, alors ces derniers ne céderont pas facilement leurs places. »

Ah’ad Ha-am, sioniste spirituel,
commentant sa première visite en Palestine en 1891.



La Palestine est « une terre sans peuple, attendant un peuple sans terre ». La formule sera resservie sur tous les tons par la propagande sioniste.

Israël Zangwill, Décembre 1901



Selon l’historien israélien Zeev Sternhell, le sionisme ne serait au fond qu’ « une variante classique de ce nationalisme fermé apparu en Europe au tournant du siècle (XIXème-XXème siècles). Il n’éprouve aucune difficulté à refuser à autrui les mêmes droits élémentaires qu’avec une tranquillité d’esprit absolue il exige pour lui-même. »


« Ne nous racontons pas d’histoire. Politiquement, nous sommes les agresseurs et ils se défendent. C’est leur pays, parce qu’ils y habitent, alors que nous voulons venir ici et coloniser, et de leur point de vue, nous voulons nous emparer de leur pays. »

Discours de David Ben Gourion en 1938


La déclaration d’indépendance, lue par David Ben Gourion, le 14 mai 1948, précise : « L’Etat d’Israël assurera la plus complète égalité sociale et politique à tous ses habitants sans distinction de religion, de race ou de sexe. »
Cela n’a jamais été appliqué.

« Des villages juifs ont été construits à la place des villages arabes. Vous ne connaissez même pas les noms de ces villages arabes, et je ne vous blâme pas parce que les livres de géographie n’existent plus. Non seulement les livres n’existent plus, mais les villages arabes ne sont pas là non plus. Il n’y a pas un seul endroit construit dans ce pays qui n’avait pas une ancienne population arabe. »

Moshe Dayan, 4 avril 1969

« Quand nous aurons colonisé cette terre, tout ce que les arabes pourront y faire sera de zigzaguer en rond comme des cafards drogués dans une bouteille. »

Rafael Eitan, Chef d’Etat Major
de l’Armée israélienne, 14 avril 1983


« Nous nous comportons déjà dans les territoires occupés de la rive ouest du Jourdain, dans la bande de Gaza, et au Liban, comme se sont comportés les Nazis dans les territoires occupés de Tchécoslovaquie et de l’Ouest. Nous n’avons pas établi de camps d’extermination comme ils l’ont fait à l’Est. Voilà où nous en sommes, avec cette seule différence qui nous distingue des Nazis. »

Professeur Yeshaiyahu Leibowitz, 1987

« Nombre d’intellectuels, constatent Daniel Bensaïd, Rony Brauman et Marcel-Francis Kahn, engagés dans la défense des droits nationaux des Bosniaques, des Tchétchènes ou des Kosovars, restent étrangement silencieux (si ce n’est pis), quand il s’agit des réfugiés et des camps palestiniens. »

« Si j’étais un leader arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C’est normal : nous avons pris leur pays. C’est vrai que Dieu nous l’a promis, mais en quoi cela les intéresse t-il ? Notre Dieu n’est pas le leur. Il y eu l’antisémitisme, les Nazis, Hitler, Auschwitz, mais est-ce leur faute ? Ils ne voient qu’une chose : nous sommes venus et nous avons volé leur pays. Pourquoi l’accepteraient-ils ? »
David Ben Gourion,
premier Premier Ministre d’Israël.


Terre Humaine
Un disciple a demandé à Confucius : « Maître, s’il y avait un seul précepte selon lequel guider une vie, quel serait-il ? » Confucius répondit : « Traitez les autres comme vous aimeriez qu’ils vous traitent. »
(VIème siècle avant JC)

Numéro réalisé en coopération avec Micheline Banzet qui a participé en juillet 2005 à la Caravane du Droit partie du Parlement Européen à Strasbourg vers Jérusalem, manifestation pacifique pour le respect et l’application du droit international en Palestine et en Israël. Cette caravane s’est vu refuser l’entrée en territoire palestinien par l’armée israélienne : violences, humiliation.

TH MARS-AVRIL 2006 : UN MONDE EQUITABLE ET DURABLE


UN MONDE EQUITABLE ET DURABLE

Fabian Figueroa, père de six enfants, cultive 4,2 hectares de bananes à Santa Marta dans le Nord de la Colombie et livre chaque semaine 60 cartons de 18kg à la coopérative certifiée Max Havelaar depuis 1998. Au total, celle-ci regroupe 172 producteurs et vend régulièrement 6.000 cartons par semaine de bananes labellisées Max Havelaar sur le marché suisse.
L’an passé, 505 organisations de producteurs dans 52 pays regroupant plus d’un million de paysans ont vendu pour 1,2 milliard d’euros de fleurs, fruits, légumes, cafés, thés, sucre, coton, miel… du commerce équitable.
Le commerce équitable préconise l’instauration de conditions commerciales justes ; il propose une modification radicale de l’idéologie néolibérale ; il développe un commerce protégé et favorise une production efficace, mais aussi durable du point de vue social et écologique. Ces aspects sont pris en compte et intégrés dans les coûts, car des mesures de précaution sont devenues indispensables si l’on veut que l’humanité et les milieux naturels survivent et, partant, l’économie.
Certes, le commerce reste un moyen douteux de répartir les richesses entre les pays, entre les hommes. Mais c’est un moyen possible. L’argent dont a besoin le monde pauvre doit provenir de quelque part. Il s’agit de réclamer des règles du commerce international qui introduisent l’équité, d’étendre les règles actuellement appliquées, sur une base volontaire, par les acteurs du commerce équitable à toutes les entreprises qui font des échanges transfrontaliers.
Ce renversement de tendance doit devenir un objectif mondial et ne peut souffrir d’aucun délai. C’est un choix politique visant à mettre en place les conditions qui devraient permettre de reconstruire un environnement et des conditions de vie décentes pour l’ensemble de l’humanité, aujourd’hui et demain.
Pour ce faire, je propose de transformer l’OMC en OMCE : Organisation Mondiale du Commerce équitable.

Charles Trompette
Savoureux commerce équitable
Les produits alimentaires du commerce équitable – café, thé, chocolat, riz, céréales – n’ont pas le même goût que les autres. Sont-ils plus authentiques, moins sophistiqués ou plus rustiques que les produits des échanges ordinaires ?

Les produits du commerce équitable ont un goût spécifique parce qu’ils sont présentés tels qu’ils ont été cultivés et cueillis de la manière la plus naturelle possible.
Emanant de petits producteurs défavorisés des pays du Sud et intégrés dans les circuits commerciaux avec une meilleure rémunération, la plupart de ces produits sont issus de l’agriculture biologique. Ils portent le logo AB et sont exempts de produits chimiques (engrais, pesticides, activateurs ou retardateurs de croissance, additifs en tout genre).
Aucun conservateur ni arôme de synthèse ne vient modifier le goût du chocolat. Les consommateurs n’aiment pas les chocolats fourrés aux excipients, à la lécithine de soja, aux agents de texture et de saveur. Le meilleur de la gamme - le noir intense, produit par la coopérative El Ceibo (Bolivie), conché (roulé) et moulé en Suisse avec du sucre de canne des Philippines lui aussi « équitable » - possède un velouté et une longueur en bouche remarquables. Les puristes du Club des croqueurs de chocolat ont observé, lors d’une dégustation à l’aveugle que la gamme des chocolats du commerce équitable damait le pion à bien des produits standards du commerce ordinaire. Le noir dessert du Ghana (coopérative Kupa Kokoo) est à retenir pour sa texture fine et homogène et pour ses arômes délicats.
Les qualités organoleptiques des produits sélectionnées sont régulièrement testées en laboratoire. Le credo, c’est la gourmandise à l’état brut. Dernière en date à l’essai : l’amarante, une plante cultivée par les Incas, qui contient de la lysine, un acide aminé rare dans les plantes. Les riz en provenance du Laos et de Thaïlande, offrent une riche variété de couleurs ainsi que des textures et des saveurs insolites. Le quinoa, appelé riz des Incas, est riche en protéines ; c’est un substitut de la viande, une aubaine pour les végétariens, un plat complet, équilibré et bon qui plus est. Les cafés corsés du Mexique et du Pérou, et ceux plus doux du Guatemala ou le moka d’Ethiopie, sont identifiables au palais. Les thés verts de l’Inde ou du Sri Lanka assurent une bonne initiation dans la douceur aux vertus apaisantes de ce breuvage, à la condition d’en bien maîtriser la durée d’infusion (entre 2 et 4 minutes).

La quinoa a un petit grain
Elle a bon dos, la petite graine. Certains l’appellent « la » quinoa et d’autres « le », la dégustent « bien chaude » ou au contraire « sortie du frigo ». Bonne à tout faire, elle remplace aussi bien le riz, la semoule que le boulgour (blé concassé), avec l’avantage d’offrir une quantité de protéines défiant toute concurrence. Les Incas ne s’y étaient donc pas trompés lorsqu’ils décidèrent de dompter l’Altiplano pour y cultiver la chisia mama, la « mère de tous les grains » en quechua. Chaque année, l’empereur en personne semait les premières graines de la saison à l’aide d’un outil en or. Sur une fresque retrouvée près du lac Titicaca, une déesse porte un vase en cuivre dans lequel sont placés des épis de quinoa, symbole de robustesse et de puissance.
Mais au XVIème siècle, les envahisseurs espagnols coupent court à la tradition. Ils détruisent les champs, tranchent les mains des récalcitrants ou les condamnent à la peine de mort. Sûrs de leur bon droit, les conquistadors apportent avec eux la culture du blé, du seigle, l’élevage de moutons, de bœufs… La graine sacrée disparaît alors pendant des siècles.
Intrigués par cette histoire, deux Américains décident de réimplanter la quinoa en Amérique latine dans les années 1980. Si le culte a disparu, la richesse nutritive de cette plante herbacée demeure. Ses disques aplatis de deux millimètres de diamètre ne renferment pas moins de huit acides aminés essentiels et totalisent 13% de protéines. Très arrangeante, la quinoa ne rechigne pas à se fondre dans un potage, ni à prêter main forte à un pudding en quête de consistance. Au petit-déjeuner, à midi, au goûter ou en guise de dessert du soir, ses grains parfument délicatement tous les plats. Les peuples andins ont profité de son retour en grâce pour perpétuer la tradition d’une boisson alcoolisée appelée chicha blanca. Qui a dit qu’on ne savait pas quoi faire de la quinoa ?

Terre Humaine
« Toute société qui prétend assurer aux hommes la liberté doit commencer par leur garantir l’existence. »
Léon Blum

« On ne renonce pas à sauver le navire dans la tempête parce qu’on ne saurait empêcher le vent de souffler. »

Thomas More

TH FEVRIER 2006 : QUESTION DE DEVELOPPEMENT

QUESTION DE DEVELOPPEMENT



Hier, développement. Aujourd’hui, développement durable. Pourquoi devoir préciser « durable » ? L’ancien ne l’était-il pas ? Développement durable, un oxymore ? « Une obscure clarté qui tombe des étoiles. » Pourquoi allier deux mots de sens contradictoire ? Afin de leur donner plus de force expressive ? Tout développement ne conduit-il pas à la mort, à une fin certaine ? Le développement d’une plante, d’un être s’achève par une dégénérescence ?
Le développement, notion occidentale, occidentalisation du monde, échappe-t-il à sa logique ? Après la conquête et l’évangélisation du monde, après le colonialisme et la civilisation du monde, le président des Etats-Unis, en 1999, qualifie la majeure partie du monde de régions sous-développées. Ainsi naquit le nouveau concept qui allait permettre de poursuivre l’œuvre entreprise. Depuis sont apparues la mondialisation, la globalisation, la libéralisation….
Non sans cynisme, Henry Kissinger n’affirmait-il pas que la « mondialisation n’était que le nouveau nom de la politique hégémonique américaine » ? Et l’idée de développement est revenue en force dans les débats de l’Organisation Mondiale du Commerce. « Le développement, déclare Pascal Lamy, son directeur, est aujourd’hui, comme en attestent les objectifs du Millénaire de l’ONU, la priorité de l’agenda international. Il doit donc tenir une place centrale dans le système des échanges commerciaux mondiaux. »
Parce qu’elles annoncent des réussites miraculeuses qui ne surviennent jamais à l’échelle attendue, les politiques de développement ne sont-elles que des attentes messianiques de biens dérivés mais jamais accessibles ?
Aujourd’hui, le revenu et l’espérance de vie des plus pauvres de la planète est en pleine régression, tandis que l’accroissement des richesses sont en pleine expansion et accélère la destruction de la planète.
Oublier les mots « développement durable » ? Adopter une « sagesse de la nature » ? Rappeler à l’homme qu’il a trop longtemps cru pouvoir mater l’environnement. Mao Zedong n’ordonnait-il pas « que se courbent les montagnes et se détournent les rivières » ?
Ne plus accepter la suprématie des seuls critères économiques. Il y a plus de 50 ans déjà le père Lebret déclarait : « Le développement ne se réduit pas à la simple croissance économique. » Pour être authentique, il doit être intégral, c’est-à-dire promouvoir tout homme et tout l’homme.

Charles Trompette

La formation : la priorité
« Aujourd’hui, la plupart des emplois qui permettent de nourrir une famille exigent des études supérieures. » Cette phrase prononcée par Bill Gates, le fondateur de Microsoft, dit l’impitoyable dureté des temps. Hier, dans les belles années de l’industrie de masse, un ouvrier sans bagage scolaire pouvait chichement, mais décemment, nourrir une femme et trois enfants. Son salaire croissait avec l’ancienneté, son train de vie aussi.
Aujourd’hui, c’est fini. « Un jeune qui s’arrête avant le College (le niveau de la terminale aux Etats-Unis) gagnera en moyenne 25.000 dollars par an, poursuivait Bill Gates. Pour une famille de cinq membres, c’est le niveau de la pauvreté. »
La discrimination par le diplôme s’est considérablement accrue ces dernières années dans les pays développés. Le revenu des personnes ayant fait des études de niveau secondaire décroît régulièrement. Celui des personnes restées au niveau primaire plonge. Les plus diplômés s’arrogent le monopole des augmentations.
La différence se creuse au fil du temps avec pour conséquence que l’éducation est devenue l’une des premières causes de l’accroissement des inégalités salariales. On peut, bien entendu et heureusement encore réussir sans diplôme comme commerçant, artisan, sportif, artiste ou créateur d’entreprise. Mais statistiquement, la maîtrise (bac+5) est désormais la clé d’entrée dans l’ascenseur salarial et social.

La poignée de poussière
Dans un village, vivait un homme, riche à jeter l’argent par la fenêtre, et qui aimait à se tenir sur le devant de sa maison. Il remarqua que, chaque matin, un pauvre homme passait devant sa porte : il allait dans la brousse ramasser du bois mort qu’il revendait ensuite pour nourrir sa famille. Un beau jour, le richard dit au pauvre : « Chaque jour, je te vois passer devant ma porte. Ta pauvreté me fait pitié. Désormais, viens chaque matin me demander l’argent nécessaire aux dépenses de ta famille : ainsi tu n’auras plus besoin d’aller en brousse chercher du bois mort. » Le lendemain, le chercheur de bois se présenta devant le richard, le salua et attendit : « Combien te faut-il pour la journée ? » demanda le richard en mettant la main dans sa poche. « Donne-moi une poignée de poussière, cela suffira largement ! » répondit le pauvre. Le richard, bien que surpris et déconcerté, se baissa, ramassa une poignée de poussière sur le sol et la donna à son obligé.
Celui-ci le remercia comme s’il venait de recevoir une poignée de métal précieux puis, comme de coutume, partit à son travail. Le lendemain matin, le pauvre homme s’arrêta devant la porte du richard et lui demanda de nouveau une poignée de poussière. Le richard la lui donna. Les choses continuèrent ainsi quelques mois, sans façon ni problème. Puis, un beau matin, lorsque le marchand de bois mort se présenta pour demander sa poignée de poussière, le richard lui rétorqua avec humeur : « Ecoute, mon ami ! Si tu veux ta poignée de poussière, donne-toi la peine de te baisser et de la ramasser toi-même. Tu me fatigues à la fin ! » A ces paroles, notre ramasseur de bois éclata de rire. « Ô homme riche ! s’exclama-t-il. Te voilà excédé par le simple fait de me donner une poignée de poussière qui ne te coûte que la peine de te baisser pour la ramasser. Qu’adviendrait-il si chaque matin je venais tendre la main pour recevoir de toi une pièce d’argent ? Laisse-moi donc gagner la vie de ma famille. La sueur de mon front ne sera jamais importunée par ce qu’elle me donne chaque jour, mais tout autre qu’elle le sera tôt ou tard ! »

Moralité de ce conte peul : Le mot « Tiens ! » finit toujours par lasser celui qui le dit. Bien que dépourvu de poids physique, il pèse lourd s’il est dit trop longtemps.
Contes des Sages d’Afrique
Amadou Hampâté Bâ


Terre Humaine
« Comment se consoler au milieu de la mort des enfants, de la prostitution des adolescents, de la famine des vieillards, comment se consoler de la disparition de ce marxisme dont on oublie quelle immense espérance il avait donné aux orphelins du christianisme et à tous ceux qui, comme Jésus, se demandaient pourquoi Dieu les avait abandonnés ? Seule une beauté, encore elle, comme celle des cathédrales que j’ai tant fréquentées peut donner une réponse. »
Jean Daniel

« Nous devons nous libérer de la question économique (…). Il faut une révolution dans l’Etat. Désormais, un homme touchera son salaire, qu’il soit malade, bien portant ou âgé. Tous nos idéaux ne seront qu’imposture et hypocrisie tant que nous n’aurons pas brisé les chaînes de l’argent. »

D.H. Lawrence

TH JANVIER 2006 : AUX GEMONIES L'OMC ?!


AUX GEMONIES L'OMC ?!


Faut-il vouer aux gémonies l’OMC ? Oui, cela est de bon ton ; si vous voulez passer pour une personne de gauche (plus à gauche que moi, tu meurs), pour un tiers-mondiste vrai et convaincu, bref pour un alter mondialiste.
Pourtant les pays du tiers-monde participent à l’OMC. Mais ont-ils la possibilité de s’opposer à l’OMC ? La réponse est non. Les Etats-Unis, le Canada, le Japon et l’Union Européenne contrôlent plus de 80% du commerce mondial. Résister à ces molosses équivaudrait à un suicide.
Et à l’OMC, ce sont certes les représentants des Etats qui négocient mais ils le font de fait, la plupart du temps, au nom des sociétés transcontinentales qui dominent leurs économies nationales respectives, jamais dans l’intérêt de leur peuple.
Aujourd’hui, l’OMC est dirigé par un socialiste néo-libéral, Pascal Lamy, qui aspire à un monde où la Main invisible du marché résoudrait tous les problèmes de la pauvreté, de la maladie, de la survie. Il n’est qu’un mercenaire du capital mondialisé.
De plus, les signataires de Marrakech ont refusé d’inclure dans la Charte de l’OMC une « clause sociale » et une « clause écologique. »
Faut-il refuser le commerce mondial ? Prôner l’autarcie et le protectionnisme ? Faut-il refuser de siéger à l’OMC ? Forum mondial, qu’on le veuille ou non.
Les partisans du refus n’ont, hélas, pas de plan B. On l’a déjà expérimenté. L’extrême gauche et l’extrême droite se sont unies dans la rue contre la mondialisation, dans les urnes contre l’Europe. Elles l’avaient également fait dans les années trente contre la démocratie.
Aujourd’hui, nous sommes entrés dans une phase « schumpétérienne » du capitalisme. Comme l’avait décrit l’économiste autrichien, le processus de destruction créatrice le transforme de façon permanente. Mais cette fois-ci, il se déroule à une vitesse inédite et, désormais, à l’échelle planétaire. L’entrepreneur mondial (les multinationales) « détruit les structures vieillies » et « crée des éléments neufs », dans une « mutation » sans précédent. Le nombre de travailleurs qui participent au jeu mondial a doublé en quelques années avec l’arrivée de la Chine, de l’Inde et du Brésil, passant de 1,5 milliard à 3 milliards.

Il est temps de cesser d’accuser les autres de nos maux, le capitalisme, le libéralisme, les Etats-Unis, l’Europe, l’élargissement ou l’Angleterre, et maintenant, la Chine, bref, toujours l’extérieur.
Il faut affronter le monde neuf sans arrière-pensées, se gardant de tout sentimentalisme, se défiant de l’idéologiquement correct, du politiquement correct, de l’économiquement correct. Avec, au contraire, un goût pour les idées qui marchent, neuves, validées, utiles. Avec l’envie d’aller voir ailleurs comment s’y prend l’étranger. Avec la volonté de mettre à mal l’alliance dominante des bien-pensants, nouée entre les profiteurs du statu quo et ceux qui s’enferment dans l’espoir vain de rebâtir l’ancien monde.
Le nouveau monde n’attend pas les pessimistes. Il se fait. Il s’accélère. Il tuera les immobiles.

Charles Trompette

La taxe et l’hypocrite
Le président français vient d’instaurer un impôt sur les billets d’avions. A compter du 1er juillet prochain, les passagers qui décolleront d’un aéroport français devront payer une taxe de 1 à 10 dollars. Avec les sommes ainsi collectées, Jacques Chirac - qui n’a jamais payé ses billets d’avion, ni ceux de sa famille - entend lutter contre la pauvreté et la faim dans le monde. L’intention pourrait paraître louable. En fait, elle ne l’est pas car sur le chemin qui pourrait conduire à éradiquer la faim et la pauvreté dans le monde se dresse l’obstacle de la politique agricole commune (PAC). En inondant les marchés mondiaux de nos surplus agricoles subventionnés, nous contribuons à maintenir des prix artificiellement bas sur le marché mondial. Et les barrières tarifaires dressées aux frontières de l’UE tiennent les pays en développement à l’écart d’un marché européen lucratif.

Cet impôt devrait, selon les estimations, rapporter quelque 200 millions d’euros par an. Or il y a dans le monde plus de 800 millions de personnes qui souffrent de malnutrition. Cela revient donc à une contribution de 25 centimes d’euro pour chaque victime de la faim – par an, s’entend. La PAC non réformée rapporte, elle, 11 milliards d’euros par an à la France et à ses 680.000 agriculteurs, c’est-à-dire 16544 euros par agriculteur. C’est cette différence abyssale qui rend le geste de Jacques Chirac aussi hypocrite.
Marien Abrahamse, Amsterdam.

Belles promesses
Monsieur le Président, les Africains n’ont pas besoin de votre charité d’Etat, celle-là même que vous pratiquez à l’intérieur de vos frontières et sans résultats. Ce dont la jeunesse africaine a besoin, c’est que vous arrêtiez de subventionner vos agriculteurs et que vous cessiez le protectionnisme agricole !

Ce qui est étonnant, c’est la proposition faite par M. Chirac d’accorder des visas de longue durée aux Africains ayant un niveau de formation supérieur. Il y a déjà plus de médecins béninois en France qu’au Bénin. Va-t-on vider l’Afrique de ses élites pour compenser la fuite des cerveaux européens vers les Etats-Unis ?

M. Chirac continue dans la veine de la Françafrique : jolies promesses qui ne mènent à rien et continuation des privilèges des despotes de tout poil. Ce qu’il faut vraiment à l’Afrique, ce n’est pas plus d’aides financières directes, qui sont majoritairement détournées, mais l’ouverture des marchés agricoles des pays développés, que M. Chirac refuse au nom de la protection des intérêts des agriculteurs.

Vœux de la Rédaction

Aux aveuglantes lumières,
Aux éclatantes certitudes,
Préférer le clair-obscur,
Où la vérité s’approche
Comme une ombre hésitante
Au mieux entrevue,
Jamais possédée.

Belle année 2006
Joie Lumière Espérance


Terre Humaine
« Au Brésil, la colonisation a produit un effort soutenu pour mettre en œuvre une européanité adaptée à ses latitudes et incarnée par le métissage. Elle s’est pourtant toujours heurtée à l’entêtement de la nature et aux caprices de l’histoire. Ainsi, en dépit de ces intentions, nous sommes devenus ce que nous sommes, nous nous situons aux antipodes de la blancheur et de la bienséance. Nous sommes aussi dés-européens que dés-indiens ou dés-afros. »

Darcy Ribeiro, anthropologue brésilien

TH DECEMBRE 2005 : JOAO MARTINHO MOYE EST-IL UN SAINT ITAJUBENSE ?

JOAO MARTINHO MOYE
EST-IL UN SAINT ITAJUBENSE ?


Lorsque le voyageur passe quelques temps dans la ville d’Itajuba (100.000 habitants) et sa région (Etat du Minas Gerais au Brésil), il ne peut qu’en déduire que João Martinho Moye a vécu au Brésil, tant son œuvre et son esprit imprègnent cette région : de l’impressionnant couvent - vestige d’une Eglise glorieuse et triomphante - qui domine la ville aux terrasses des cafés branchés, des laboratoires de recherche d’universités prestigieuses à la maison d’éducation pour les adolescents délinquants ; des nombreuses crèches communautaires dans les quartiers populaires au collège qui forme depuis un siècle l’élite de la ville ; du Foyer de la Providence qui accueille les personnes âgées, pauvres, et dont plus personne ne veut, au centre de physiothérapie niché au sein d’un vallon paradisiaque, « un trou de verdure où chante une rivière » ; des missions parties de là vers les terres inconnues des Indiens Yanomani ou vers l’île de Marajo - espace mythique, berceau imaginaire, chaos, forêt vierge à l’état pur que le monstrueux courant de l’Amazone semble pousser au large de l’océan - au soutien scolaire apporté aux enfants ; de l’Association des Anciennes Elèves des Sœurs de la Providence qui traduisent en actes quotidiens les conseils de João Martinho au groupe de Fraternistes qui vivent intensément sa spiritualité ; de l’Ecole d’Infirmiers dont les élèves sont recherchés par tous les hôpitaux parce que leur formation scientifique et technique est sans pareille, mais surtout, humaine, aux ouvrages de Sœur Ernestine (Femme Providence) et d’Alice Beatriz (Collier de perles. Présence et pionniérisme de la Femme Itajubense) qui rappellent que ce sont les femmes qui ont appliqué et fait triompher les idées de João Martinho… Tout respire João Martinho, tout chante João Martinho, tout vit João Martinho.
Si dans le gymnase du collège la phrase prophétique de João Martinho est inscrite en lettres immenses et majuscules « Rien n’est plus important que l’éducation de la jeunesse », son esprit est traduit au quotidien : partout la formation est d’une qualité rare. Et ce sont les femmes, les religieuses, les filles du Père Moye, et les laïques, les mères de famille qui sont à la pointe du combat. Une lutte pacifique, construite sur l’amour et par l’amour même si leur esprit de « mulher guereira », femmes guerrières, est ce qui fait triompher leurs idées dans une société éminemment machiste : combat contre l’ignorance, combat contre la maladie et la souffrance, combat contre le rejet du pauvre, du noir, du délinquant… Ces femmes brésiliennes qui « n’ont que l’Amour à offrir en partage, sans avoir rien que la force d’aimer » transforment le monde en une Terre Humaine.


Charles Trompette

Le cri du canari

Kenzaburô Oé, écrivain japonais décrit l’intellectuel comme le canari que l’on place dans une mine de charbon pour détecter un risque de coup de grisou, et dont le cri annonce la mort.
« Pour moi, un intellectuel est celui qui peut et doit parler « en amateur », en dehors de son champ de spécialité, pour rappeler qu’il y a d’autres manières de voir, de concevoir le réel que celles véhiculées par le discours dominant. Je continue à écrire des points de vue critiques chaque mois dans les journaux, à faire des conférences. Je reste « dérangeant ». Certains me dénigrent ou me considèrent avec condescendance. Mais force est de constater qu’au Japon il y a de moins en moins d’intellectuels contestataires. La conscience démocratique de ce pays n’a fait émerger aucune personnalité capable d’exprimer avec vigueur le sentiment de colère et de trahison de nos idéaux que constitue la guerre en Irak. Je suis sans doute ce canari dans la mine, déjà en train de mourir, mais j’ai bien l’intention de continuer à « chanter » jusqu’au dernier souffle afin de m’efforcer, simplement, de vivre avec dignité. »


Egalité désirée
J’espère qu’aujourd’hui nous sommes sur le chemin de l’égalité, la grande absente de la vie sociale. Dans une société aussi inégalitaire que la mienne, le cheminement est long ; il est difficile de percevoir les quelques pas déjà réalisés ; tout le monde veut tout immédiatement. Mais les élites sont prédatrices et les pauvres pris dans la logique de leur survie.
Ici il est difficile de vivre l’égalité. Nous sommes une société très hiérarchisée et nous refusons de le reconnaître. Je pense que le Brésil doit devenir une véritable république et cesser d’être un palais pour les uns et une rue pour les autres. L’égalité menace certains ; ils n’en veulent point et préfèrent la « liberté ». Ici, un riche a plus de liberté, de droits et de privilèges qu’un pauvre. L’égalité devient donc source d’affrontements. Notre pays vit aujourd’hui un conflit entre la liberté et l’égalité : c’est un fait nouveau dans la vie politique brésilienne.
Le gouvernement de Lula est la preuve que la démocratie brésilienne doit avoir confiance en elle-même et qu’elle peut pratiquer une politique alliant liberté et égalité. Nous, citoyennes et citoyens, nous devons prendre des responsabilités au niveau des états et des municipalités pour participer à cette politique.
Le Parti des Travailleurs (PT) était un parti critique de l’action gouvernementale ; aujourd’hui, il est au pouvoir et il est devenu le porte-parole non seulement des exclus mais d’une nation.
Je n’ai jamais cru que le PT arrivé au pouvoir serait totalement différent des autres partis ; car il doit passer des alliances pour gouverner et ces alliances sont le nœud des problèmes. Chacun défend ses intérêts propres, jamais l’intérêt général.
Aujourd’hui, le gouvernement de Lula est attaqué ; il faut se souvenir des actions des gouvernements précédents qui ont dirigé le pays au profit de la bourgeoisie, se souciant peu d’égalité.
Malheureusement, nous continuons à avoir des politiciens qui achètent les électeurs en leur distribuant des aides : des bons alimentaires, des bons pour le transport, des bons pour le gaz… et les électeurs se laissent acheter car ils sont dans le besoin, dans la misère. Notre système pervers et cruel encourage la corruption au profit de quelques uns. Je souhaite qu’un gouvernement de gauche puisse s’engager à construire un pays plus juste, plus solidaire, plus égalitaire.

Ana Célia Pereira de Almeida

Terre Humaine
« Il est essentiel pour avoir une paix universelle et permanente qu’un changement total s’accomplisse dans l’esprit des gens. Il faut une compréhension mutuelle plus profonde, plus solide, pour l’abolition des préjugés nationaux de façon à voir d’un œil plus sympathique et amical tous ces nouveaux compagnons. »

Robert Baden-Powell, fondateur du scoutisme.

TH OCTOBRE-NOVEMBRE 2005 : NOIRE BEAUTE


NOIRE BEAUTE
Il est fini le temps où quelques religieux pensaient encore que l’Eglise catholique pouvait vraiment changer le monde, sinon le contient indo-latin, qu’il suffisait de bouleverser celle-ci pour révolutionner celui-là. A deux pas des palaces qui bordent la plage de Copacabana, monte une rue vers la favela du Pavão. Noëlli, une africaine, religieuse des Travailleuses Missionnaires, m’a donné rendez-vous devant le Miramar Palace Hôtel. Inconcevable de pouvoir pénétrer dans ce quartier populaire si l’on n’en est pas résident. Dès l’entrée, les veilleurs guettent. Je commence à gravir les escaliers abrupts accrochés aux flancs des roches. Derrière moi, mon bouclier humain : une frêle jeune femme en boubou africain. Le monde à l’envers. Ma corpulence, dans un autre univers, m’offrirait plutôt le rôle d’un body-guard. Nous passons devant de jeunes drogués continuant à fumer, à vendre des stupéfiants, à agiter des armes de gros calibre… Scène quotidienne, diurne et nocturne. Enfin nous parvenons au centre paroissial où elles résident, seules : Noëlli et Marie-Josèphe du Burkina Faso, Théodora de Wallis, île polynésienne. Que sont-elles venues faire dans cette galère ? Dans ce navire de guerre ? Car, lorsque, la nuit, les trafiquants se livrent une bataille, rangée mais sans merci, pour le contrôle des « bocas de fumo », points de vente des drogues, elles quittent leur couche pour se réfugier dans une pièce sans fenêtre : les balles perdues sont celles d’armes de guerre, elles traversent volets et murs et tuent. Trois jeunes femmes témoignent de l’amour du Christ au milieu de la misère, de la violence, de la déchéance humaine. Témoin de la Bonne Nouvelle, elles gèrent un dispensaire où viennent se faire soigner les habitants de la favela : seul accès aux soins dans un pays où la santé est réservée aux riches. Dispensaire ? Une construction divisée en pièces et couloirs exigus, accrochée à la montagne, cernée de torrents qui, les jours de pluie, charrient les ordures de la favela.

Jane, médecin dans les beaux quartiers d’Ipanema, vient consulter régulièrement. Mais les médicaments font défaut. Les traitements ne peuvent durer qu’une semaine, alors qu’ils nécessitent un temps plus long. Jane se révolte : le centre est sale, le ventilateur est couvert de moisissures, le fauteuil et la table sont cassés. « Dieu n’a pas créé l’homme dans la misère » proteste-t-elle. Elle n’accepte plus cette résignation, ce fatalisme, cette confiance en un Dieu qui peut tout mais ne fait rien. « Se Deus quizer » (Si Dieu le veut), « Graças a Deus » (Grâce à Dieu). Sans cesse le nom de Dieu est invoqué et la misère écrase les faibles, les pauvres, les noirs. Jane menace de ne plus venir travailler dans de telles conditions. Elle crucifie son rêve déchu tout en œuvrant à la résurrection du monde par la beauté de sa révolte. Depuis les temps de l’esclavage, le noir, le pauvre a perdu sa dignité. Aujourd’hui les politiciens, de gauche comme de droite – où est la gauche ? – maintiennent le pauvre, le noir dans l’avilissement par le système des « bolsas », des bourses : il n’y a pas un vrai salaire pour un travail digne. On distribue à qui mieux mieux des bolsas, des aides : aide scolaire, aide au transport, aide en bouteilles de gaz pour faire la cuisine… Jane, la révoltée reprend ses consultations. Pourquoi cette saine colère contre Marie-Josèphe, l’étrangère noire, responsable du dispensaire, devant un étranger blanc ? Quelle est sa nécessité ? Que devient la dignité de l’Africaine noire face à la juste indignation ?

« Des images tenaces, analyse Ana Célia, sont inscrites dans ce que les Blancs pensent des Noirs : nonchalants, fatalistes et dionysiaques. Dans ce que les Noirs pensent des Blancs : jamais tout à fait blancs parce qu’ils auraient tous un peu de « sang africain » dans le corps et dans l’esprit, tous une ancêtre indienne dans leurs généalogies confuses, parce qu’ils seraient tous suffisants et paternalistes aussi, méprisant le travail manuel comme les maîtres aux temps de la colonie et de l’esclavage. »

Invité à participer à l’office dominical, je reviendrai dans la favela du Pavão. Même procédure d’approche. Afin d’atteindre la chapelle suspendue à la colline, il nous faut enjamber le corps d’un homme blessé d’avoir trop bu, d’avoir trop fumé. Peu à peu, l’humble église, havre de paix et d’harmonie, se remplit d’une foule bruyante, heureuse de se retrouver, d’une foule colorée, composée d’enfants, de femmes, d’hommes « de couleur ». Le Noir est passé de la senzala à la favela. La senzala, c’était la maison des esclaves. La favela, le bidonville où les descendants d’Africains abondent plus que dans les beaux quartiers. Les Noirs forment aujourd’hui - depuis toujours au Brésil - la majorité des pauvres. La majorité aussi de ceux qui vivent en position de subordonnés.

Avant, pendant et après l’office, l’accueil de l’étranger est chaleureuse. Chacun sait qui je suis, d’où je viens, ce que je fais… L’information circule rapidement et les paroissiens tiennent à me saluer, à échanger quelques mots… Quelle différence avec l’accueil que nous réservons à l’étranger dans nos villages, en France ! A la fin de la célébration, on m’invite à prendre la parole, puis, dans une ferveur intense toute la communauté m’offre sa bénédiction. La messe était présidée par un jeune prêtre, blanc, venu des beaux quartiers, comme Jane le médecin, comme le musicien qui accompagne de son saxo les chants.

Théodora, la Polynésienne, Noëlli et Marie-Josèphe, les Africaines vivent au quotidien avec les pauvres dans la favela. Dans un dénuement volontaire, au milieu des leurs, dans un quartier noir, pauvre et violent, elles sont un espace de sagesse vécue, sans en avoir la prétention, loin de la société de consommation où nous passons notre temps à nous rassurer nous-mêmes en faisant impression sur les autres, et tout à la fois proche de l’Avenida Atlantica où des agences proposent des véhicules blindés et climatisés. Leurres de la démocratie raciale, discrimination positive à la brésilienne, immense frustration des Noirs au Brésil. Après 22 ans d’échanges avec ce peuple, je ne parviens toujours pas à accepter cette discrimination, par essence négative. « Les Noirs ont intériorisé la mentalité raciste, dit Ana Célia. Ils sont les premiers à penser qu’ils doivent être dirigés par des Blancs. » Elle explique qu’elle a le plus grand mal à faire nettoyer son bureau par la fille de service qui est noire comme elle : « Elle se sent humiliée de devoir travailler pour moi qui suis son reflet. Les Noirs, ces êtres auxquels les colons ont longtemps hésité à donner le nom d’humains, continuent à être les éternelles victimes de la violence physique et culturelle de la conquête et de la domination ethnique, raciale et sociale des Blancs. »

Dans Rio de Janeiro, belle et violente, Théodora, Noëlli, Marie-Josèphe font briller la lumière la plus étincelante de bonté que la favela du Pavão ait jamais connue. Elles offrent à ses habitants les dons les plus grands et les plus riches : l’amour et l’humanité.

Charles Trompette
Octobre-Novembre 2005

PS : Commence alors le temps où quelques religieuses de l’Eglise changent le monde à défaut de bouleverser celle-ci et de révolutionner celui-là.
Terre métisse
Brésil, terre où les peuples et les cultures se mélangent et se rencontrent. Africaine, Indienne, Européenne, riche en histoire et en légende, maternelle et valeureuse, azur et tendresse, ni blanche ni noire, mais mulâtre. Berceau d’un peuple métissé et d’une culture unique originale.

Parcourant les chemins du monde, j’y retrouve une terre et un peuple, riches en histoire, en lyrisme, en pittoresque et en poésie profonde. Le lot d’une grande partie de la population a beau être la pauvreté, la fleur de la poésie y naît, l’éclat de rire y est spontané, tant la résistance du peuple est inimaginable.

Jamais vaincu, ce peuple pauvre et opprimé se sort de toutes les difficultés, va de l’avant, défend son rire, défend ses joies, ses fêtes, son doit à la vie. Et cela depuis toujours, des temps de l’esclavage à nos jours pour répondre à la monstrueuse réalité économique et sociale.
C.T.
Terre Humaine
« Il faut racheter le monde par la beauté : beauté du geste, de l’innocence, du sacrifice et de l’idéal. »

Romain Gary

« Ces voyages nous rappellent que nous ne sommes riches que de l’agrégation de nos différences et que notre vie ne commence à prendre un sens qu’à partir du moment où nous sommes à même de nous tourner vers l’autre. »
C.T.
Article paru dans Le Sillon Missionnaire n°310 Avril-Mai-Juin 2006

TH SEPTEMBRE-OCTOBRE 2005 : L'EUROPE DES EGOÏSTES

L'EUROPE DES EGOÏSTES


Lors de la campagne référendaire, un jeune demande à Dominique Strauss Kahn ce que l’Europe lui a apporté. Le leader politique expliqua et démontra brillamment les avancées et bienfaits de la construction européenne dont la Paix, trop souvent oubliée. Il aurait dû lui retourner telle une gifle cinglante la pensée de John F. Kennedy : « Ne vous demandez pas ce que l’Amérique peut vous apporter. Demandez-vous, ce que vous pouvez apportez à l’Amérique. » Egoïsme.

Les agriculteurs dont chaque vache perçoit chaque jour trois euros de l’Europe ont majoritairement voté « non ». Egoïsme
« On a tous une bonne raison de voter non », avait dit Philippe de Villiers, donnant ainsi un parfait exemple de cynisme et d’égoïsme dans la démagogie.

Par nationalisme, par xénophobie ou par dogmatisme, les tenants du non, voulaient se débarrasser de cette Europe qui barre l’horizon, qui dérange les habitudes, qui impose des changements.

Le seul non compréhensible dans un premier temps est celui des victimes des délocalisations. Tous les jours, ou presque, des entreprises ferment ou réduisent le nombre de leurs salariés et s’installent ailleurs, le plus souvent hors d’Europe. Tous les jours, aussi, des entreprises se créent ou recrutent mais pas dans les mêmes catégories d’emplois. Pour ceux qui subissent ces délocalisations, la réalité est terrible. La seule solution : sortir par le haut : investir dès à présent dans la formation et la recherche.

Il y a vingt ans, l’extrême droite affirmait que la cause du chômage était l’immigration magrébine. Aujourd’hui, c’est du « plombier polonais » que viendrait tout le mal. Autrefois d’aucun pensait que Le Pen posait les bonnes questions, aujourd’hui, il partage la même réponse.


Charles Trompette
Août-Septembre 2005