Terre Humaine

06 juillet 2007

TH JUIN 2007 : LE COMMERCE DE LA MISERE



Le commerce de la misère


Le commerce équitable s’inscrit-il « dans une approche tiers-mondiste, caritative et misérabiliste, une sorte de vente de charité – mondialisée, comme le commerce classique – entre les pays du Nord et ceux du Sud ? » Aujourd’hui, il est de bon ton de dénigrer le commerce équitable, de lui reprocher de ne pas être intégralement éthique, de ne pas avoir les mains pures, de servir de bonne conscience à vil prix, de servir de caution morale à la grande distribution.
Ce sont des chrétiens hollandais qui ont commencé en 1957 à pratiquer le commerce équitable. Nous avons repris cette idée au début des années 70 en créant la fédération Artisans du Monde et en ouvrant des boutiques où nous pratiquions un commerce alternatif à la distribution traditionnelle. En 1985, nous vendions 30 tonnes de café alors qu’il s’en consomme plus de 330.000 tonnes en France et qu’une coopérative de petits paysans guatémaltèques en produit environ 500 tonnes. Aujourd’hui, grâce à Max Havelaar, le café arabica équitable représente 8% de part de marché, le quinoa 10%, la banane biologique 36%...
Le commerce équitable n’a jamais eu la prétention de résoudre tous les problèmes, n’a jamais promis le grand soir dans la distribution mondial… Son objectif est de permettre à de petits agricultures de rester sur leur terre, de vivre dignement de leur travail : ni misérabilisme, ni charité. Tiers-mondiste, oui. Altermondialiste, oui. Le commerce équitable est une espérance pour les plus pauvres.

« Moi qui n’ai jamais eu la chance d’aller à l’école, je veux que mes enfants soient instruits. Grâce au prix équitable qui nous est payé, ils sont scolarisés. » Laljibhai Narranbhai, producteur de coton.

« Auparavant, nos revenus étaient irréguliers. Avec le commerce équitable, nous ne sommes plus soumis aux fluctuations du marché. Non seulement le prix est garanti, mais les paiements sont stables, nos commandes étant fixées à l’année. » Felipe Cancari, producteur de cacao.

Vae victis ! Malheur aux vaincus ! Cette formule empruntée à l’empire romain illustre le système libéral qui régit les échanges internationaux. Les plus faibles, les plus pauvres, les plus marginalisés, les « vaincus » doivent payer. L’avenir appartient aux plus forts et aux plus compétitifs. Le commerce équitable est une contestation de cette logique qui continue de « dépouiller » les paysans du Sud.


Charles Trompette



Décroissance… des inégalités et de la misère.



Croissance, croissance, croissance ! Economistes, politiques, entrepreneurs, journalistes, tous n’ont que ce mot à l’esprit quand il s’agit de parler des solutions à apporter aux maux de la société. Souvent, ils oublient même que leur mot fétiche n’est qu’un moyen, et le posent en objectif absolu, qui vaudrait par lui-même.
Cette obsession, qui rassemble la droite et la gauche, est aveugle à l’ampleur de la crise écologique : changement climatique, mais aussi crise historique de la biodiversité et contamination chimique de l’environnement et des êtres. C’est que l’instrument qui sert de boussole aux responsables, le PIB (produit intérieur brut), est dangereusement défectueux : il n’inclut pas la dégradation de la biosphère.
L’obsession de la croissance est aussi idéologique, car elle fait abstraction de tout contexte social. En fait, la croissance ne fait pas en soi reculer le chômage. Entre 1978 et 2005, le PIB en France a connu une croissance de plus de 80%. Dans le même temps, non seulement le chômage n’a pas diminué, mais il a doublé, passant de 5 à 10%. Malgré une hausse du PIB mondial de 5% par an, le chômage ne diminue pas.
L’élévation du PIB ne fait pas reculer la pauvreté ni l’inégalité. En réalité, l’invocation permanente de la croissance est un moyen de ne pas remettre en cause l’inégalité extrême des revenus et des patrimoines, en faisant croire à chacun que son niveau de vie va s’améliorer.
Une piste nouvelle est de viser la réduction des consommations matérielles, c'est-à-dire des prélèvements que nous faisons sur les ressources naturelles.


Le cynisme d’un monde sans Dieu, où seuls le pouvoir et le profit compte.



Le livre Jésus de Nazareh de Joseph Ratzinger est à la fois un commentaire original des Evangiles et un essai dénonçant sévèrement la responsabilité de l’Occident dans des drames comme la faim dans le monde et le « dépouillement » de l’Afrique.
A propos de la tentation de Jésus au désert – Satan lui demande de transformer « la pierre en pain » (Luc 4.3) – le pape écrit : « Quelle chose est plus tragique et contredit plus gravement la foi en Dieu et la foi dans le Rédempteur que la faim dans l’humanité ? Transformer la pierre en pain était l’idéal marxiste au cœur de sa promesse de salut mais il a échoué. Alors, plus actuel que jamais, le cri des affamés doit nous pénétrer et pénétrer profondément nos oreilles et notre âme. »
Mais pas à n’importe quelle condition. « Les aides de l’Occident aux pays en voie de développement sont basées sur des principes purement techniques et matériels, qui non seulement mettent Dieu de côté, mais écartent aussi les hommes de lui. Les structures religieuses, morales et sociales du tiers-monde sont mises de côté. Dans le vide, l’Occident introduit sa mentalité techniciste. Il croit transformer la pierre en pain, mais il donne de la pierre au lieu de donner du pain. C’est la primauté de Dieu qui est ici en jeu. On ne peut pas gouverner l’histoire avec de simples structures matérielles. Si le cœur de l’homme n’est pas bon, alors rien d’autre ne peut être bon. »
Dans le chapitre 7, le pape s’arrête sur la parabole du Bon Samaritain (Luc 10,25-37), selon laquelle un homme dépouillé par des brigands est laissé pour mort sur la route, avant d’être sauvé par un étranger, un Samaritain. Il souligne « l’évidente actualité dans la société mondialisée » de cette page d’Evangile consacrée à « l’amour du prochain ». Pour lui, les populations en Afrique – mais l’exemple vaut ailleurs – « ont été volées et saccagées (…) Notre style de vie, l’histoire dans laquelle nous sommes engagés les a dépouillées et continue de les dépouiller. »
« Nous les avons blessées spirituellement, car au lieu de leur donner Dieu et d’accueillir ce qui est précieux et grand dans leurs traditions, nous leur avons apporté le cynisme d’un monde sans Dieu dans lequel seuls le pouvoir et le profit comptent. Nous avons détruit leurs critères moraux de telle façon que la corruption et une volonté de pouvoir sans scrupule sont devenues quelque chose d’évident. »
« N’est-il pas vrai que l’homme, au cours de toute son histoire, a été aliéné, torturé, abusé ? », interroge encore Benoît XVI, avant d’évoquer « les victimes de la drogue, du trafic des êtres humains, du tourisme sexuel, les personnes détruites en profondeur qui sont vides, même dans l’abondance des biens matériels. » Estimant que tout homme est concerné, il invite le monde à « apprendre de nouveau le risque de bonté. »



Terre Humaine

« Soyez des instruments de paix.
Là où règne la discorde, appelez au dialogue.
Là où sévit la confusion, amenez la clarté.
Là où domine l’ambition, effacez-vous derrière la cause.
Là où pointe l’erreur, recherchez la vérité.
Là où s’aggrave l’injustice, ne vous résignez jamais.
Là où progresse la faim, cultivez la terre.
Là où règne la tristesse, gardez le sourire. »

TH MAI 2007 : LE VIERGE, LE VIVACE ET LE BEL AUJOURD'HUI





« Le vierge, le vivace et le bel aujourd’hui »




Aujourd’hui la France doit dire « oui » à la Turquie, dire « oui » à ces femmes et à ces hommes qui luttent pour la démocratie contre l’obscurantisme, pour la laïcité contre une religion qui voile la femme. L’entrée de la Turquie dans l’Europe n’est ni une question de culture, ni un position géographique. L’Europe n’a-t-elle pas une frontière commune avec le Brésil ? En Guyane. La bannière bleue étoilée ne flotte-t-elle pas dans les Caraïbes, en Atlantique du Sud dans les Océans Indien et Pacifique ?
L’exclusion, le refus et le repli sur ses richesses, s’ils sont de bons arguments électoraux, conduisent à une mort certaine : mort au quotidien des gens du peuple.
Aujourd’hui, l’Europe exigera le retrait des armées étrangères d’Irak et d’Afghanistan devenus des bourbiers par les mensonges et la volonté de George W. Bush. Il a déjà commencé (Espagne et Italie). L’Iran, la Tchétchénie, le Darfour font l’objet de négociations. L’Europe fera comprendre à la Russie et à la Chine, si éloignées de la démocratie, que leur puissance économique ne les autorisent nullement à mépriser et à détruire la vie en Afrique et en Asie.
Les généraux birmans piétinent leur peuple, le régime nord-coréen affame son peuple avec la bénédiction de la dictature de Beijing. Les prochains Jeux Olympiques seront avant tout une formidable aubaine pour faire reculer le cynisme de dirigeants qui, depuis 60 ans, n’ont jamais rendu de comptes à leur peuple pour ne les régler qu’entre eux.
Aujourd’hui, l’Europe dialoguera avec ses peuples voisins, s’ouvrira à eux ; d’une seule voie, elle pèsera dans le dialogue des cultures, dénoncera le choc des civilisations et permettra à l’Afrique de vivre.



Charles Trompette









Faire des luttes paysannes un combat citoyen



Quel jour tragique que ce 17 avril 1996 ! Dix-neuf paysans sans terre brésiliens trouvent la mort. Tombés pour avoir revendiqué le droit à vivre de leur travail et de la terre, leur mémoire est depuis célébrée tous les ans. Ce jour est devenu commémoration pour les paysans et paysannes du monde entier mais il est surtout une journée de lutte et de revendications.
Partout, de Salvador à Jakarta, de Maputo à Santa Cruz, de Bangalore à Paris, la paysannerie est « en guerre ». En guerre contre un modèle économique qui, au nom du marché et de la concurrence, nous impose des aliments uniformisés, des aliments qui ne sont culturellement pas les nôtres, des aliments qui viennent d’ailleurs et de plus en plus loin, sont de moins en moins variés, des aliments dont l’origine et la propriété sont de plus en plus concentrées entre les mains de quelques multinationales et par conséquent, des aliments qui mettent en péril l’existence même de la paysannerie.
Manger ce que l’on produit, produire ce que l’on mange, voilà la base de la souveraineté alimentaire, qui doit être envisagée comme un droit fondamental, des individus et des peuples. C’est un droit, mais c’est aussi un devoir. Nous, citoyens des villes, citoyens d’Europe et du monde, nous sommes en devoir d’exiger que les conditions soient créées ou recréées pour qu’il puisse s’exercer. Quand l’Europe, où l’on dit qu’un paysan « disparaît toutes les trois minutes », sera vidée de sa paysannerie, que nous restera-t-il ?
La souveraineté alimentaire, seuls les paysans et les paysannes sont en mesure de la garantir. Et c’est eux que le modèle économique tend à faire disparaître, partout. On ne peut donc que les soutenir dans cette « guerre »… Mais surtout, on devrait tous la faire nôtre, car leur lutte n’est pas une lutte pour la survie d’une classe sociale : c’est une lutte pour l’humanité, et les manifestations du 17 avril réalisées cette année partout dans le monde en sont la preuve.





Isabelle Dos Reis







Oxfam juge insuffisant l’engagement du G8 contre la pauvreté



Les pays industrialisés n’ont pas tenu leurs promesses en matière de lutte contre la pauvreté, de santé et d’éducation, causant indirectement la mort de millions de personnes dans les pays pauvres, affirme Oxfam international.
Les pays du G8 sont très loin d’avoir honoré la promesse faite lors du sommet de Glenagles, en Ecosse, il y a deux ans, de consacrer 50 milliards de dollars de plus à ces problèmes.
Au cours des deux dernières années, les progrès réalisés dans l’ensemble n’ont de loin pas atteint ce qui avait été promis. Le coût de cette inaction se chiffre en millions de vies perdues du fait de la pauvreté.
Ce sommet, qui réunira du 6 au 8 juin, à l’invitation de la chancelière allemande Angela Merkel, les dirigeants de la Grande-Bretagne, du Canada, de la France, de l’Italie, du Japon, de la Russie et des Etats-Unis, sera consacré au changement climatique, à la pauvreté en Afrique et à la coopération économique.
La promesse faite à Gleneagles d’accroître l’aide internationale de 50 milliards de dollars d’ici 2010 pourrait, si le rythme actuel des donations se confirme, se traduire par une augmentation de 20 milliards seulement.
Les pays industrialisés n’aident pas non plus suffisamment les pays pauvres à financer leur adaptation aux défis posés par le changement climatique.
Ils ne versent que quelques millions et tirent ces petites sommes de budgets d’aide existants.




Terre Humaine



« C’est par la différence et dans le divers que s’exalte l’existence. »



Victor Segalen




« Le trésor de la vie et de l’humanité est la diversité. La diversité qui ne nie nullement l’unité. Accomplir l’unité de l’espèce humaine tout en respectant sa diversité est une idée non seulement de fond, mais de projet. »




Edgar Morin